C’est à Madrid le 6 mars dernier que nous avons eu la chance de rencontrer presque toute l’équipe du film « Triple Frontière » de J.C. Chandor, qui sortira sur Netflix le 13 mars 2019. C’est par paires que nous avons pu voir les acteurs afin de leur poser des questions sur le métier d’acteur, leurs rôles respectifs dans le film… Poursuivons aujourd'hui avec Charlie Hunnam et son pote Garrett Hedlund.
On continue nos interviews avec l'équipe du film Netflix Triple Frontière, réalisé par J.C. Chandor. Après notre interview (que vous pouvez retrouver ici) avec Ben Affleck, Oscar Isaac, voici venu le tour du duo Charlie Hunnam/Garrett Hedlund, potes à la ville et autant dire que dans le film, où ils interprètent deux frères, ça se sent.
Charlie Hunnam ultra décontracté et très souriant arrive le premier, tout droit sorti d'un épisode de Sons of Anarchy ! Barbiche blonde, cheveux en arrière, ultra fit, celui qui a été le roi Arthur pour Guy Ritchie commence à répondre avec une grande générosité à nos questions (30 min au lieu de 15 !), le tout avec un accent so british ! Quelques minutes après déboule Garrett Hedlund, apparemment fatigué du jetlag. Charlie Hunnam lui lâche un "Hey Buddy", c'est clair ces deux-là s'entendent très bien.
Charlie, vous êtes connu pour être très pointilleux dans le choix de vos rôles ? Pourquoi celui-là ?
Charlie Hunnam : Je pense que dans une carrière d’acteur, il est essentiel d’être pointilleux oui. J’ai été exposé au monde militaire dans le passé grâce au succès de Sons of Anarchy. On a souvent été invités sur des bases militaires. Ces gars ont un sérieux but dans la vie. 2 sujets m'ont vraiment touché dans le film, la perte de la communauté et l’intégration profonde dans un groupe. Vivre et mourir pour les autres, votre rôle dans le groupe. Puis il y a le retour à la société, l’isolement… C’est un des éléments que je voulais voir dans le film de JC Chandor. Ce n’est pas exclusif à l’armée évidemment, mais le fait que ces gars passent le début de leur vie d’adulte à cultiver des dons spécifiques non applicables pour autre chose, c'est fascinant.
Avez-vous eu la chance de parler à ces gars des forces spéciales pour préparer vos rôles ?
Garrett Hedlund : Nous sommes allés voir des militaires qui nous ont aidés à comprendre. C’était des soldats entre "deux tours", mais j’ai déjà joué de nombreux rôles de soldats ou d’anciens soldats. Il faut leur montrer à tous du respect, je l’ai toujours fait. Quand ils rentrent à la maison, c’est très dur. On a aussi pu suivre des entraînements avec eux, le type d’entraînement qu’ils font au quotidien, on était profondément impliqués.
Garrett, votre père et vos grands-pères ont servi dans l’armée, est-ce pour cela que vous jouez souvent des rôles de soldats ?
Garrett Hedlund : Oui j’ai toujours été entouré par des drapeaux américains et des uniformes, j’ai d’ailleurs conservé celui de mon grand-père qui a été soldat aux Philippines. C’est très proche du rôle que j’interprète dans Invincible. Après j’ai fait Burden, c’est sur un soldat qui revient et qui a un syndrome post-traumatique, puis Mudbound, et Billy Lynn évidemment. J’ai une approche respectueuse, et j’ai une immense estime pour le drapeau et l’uniforme.
Que pensez-vous des polémiques autour de Netflix et de ce que Spielberg a dit sur Netflix et les Oscars ?
Garrett Hedlund : D’abord je voudrais dire que Roma est un film incroyable ! Selon moi, Netflix et les autres plateformes donnent la chance aux gens qui n’ont pas de cinéma proche de chez eux de voir les films. Elles donnent aussi la chance aux gens qui n’ont pas les moyens de voir les films. Faire la route, payer sa place, acheter à boire et à manger pour la séance, tout cela revient très cher. D’autre part, j’ai déjà fait un film Netflix, Mudbound et quand il est sorti sur la plate-forme, des amis du monde entier m’ont appelé le jour ou la semaine de la sortie, c’est unique. Tout le monde avait pu le voir, où qu’ils se trouvent et confortablement assis dans leurs canapés !
Charlie Hunnam : C’est une évolution inévitable. La réalité est que le cinéma dans les salles a diminué ces dix dernières années. C’est extrêmement cher à faire, et il y a moins d’opportunités de faire des films. Spielberg doit reconnaître qu’il est un des seuls à pouvoir encore faire les films qu’il veut à l’ancienne. Il n’y a pas de différence entre l’aspiration et la qualité du travail d’un film pour le cinéma et d’un film comme Roma.
Pourriez-vous nous décrire vos personnages et votre relation dans la vie et à l’écran ?
Charlie Hunnam : Garrett et moi on se connaît depuis 15 ans. Toutes ces années à parcourir le monde, à sortir, et à se rendre visite. On nous a demandé plein de fois si on était frères, il y a toujours eu un espoir qu’on travaille ensemble. Et cette opportunité de jouer des frères est géniale, en plus dans un film sur la communauté. L’année dernière j’ai eu une année incroyable, j’ai fait 4 films, mais le truc c’est que j’ai été loin de chez moi, de ma copine, de ma famille, 50 semaines de l’année ! Alors c’est super de travailler avec son pote comme ça, c’est comme ramener un peu de chez soi au boulot, surtout quand on a 4 mois de tournage ! A l’écran, je ne sais pas trop comment on s’en sort. Comme Garrett j’ai 3 frères biologiques, et j’ai aussi 4 frères non biologiques, et l’un d’entre eux c’est Garrett. Une de nos missions pendant le tournage c’était de cultiver cette relation. Et j’espère qu’on a réussi.
Garrett Hedlund : Le fait qu’on se connaisse si bien a aidé beaucoup, on sait comment l’autre travaille dur pour atteindre ce qu’il souhaite. En plus, on s’est rencontrés plusieurs fois avant, on a discuté des rôles, de comment approfondir cette relation et de comment approcher nos personnages…
Garrett, était-ce votre idée de chanter dans Triple Frontière ?
Garrett Hedlund : JC a eu l’idée que je chante précisément pendant cette scène, il a trouvé que c’était approprié à ce moment-là compte tenu de ce qu’il se passe juste avant. Cette cadence, appelée Airborn Ranger, a vraiment son intérêt à ce moment exact. Ce qui est unique c’est que les cadences sont faites pour être chantées en groupe et en marchant, et là j’étais seul, c'était très émouvant.
Qu’est-ce que ça vous apporte d’être acteur, cela va-t-il plus loin qu’un simple boulot ?
Charlie Hunnam : J’ai toujours eu besoin de trouver un sens profond à ma vie. Je suis tombé amoureux du cinéma enfant, et du coup arriver à faire du cinéma m’a semblé un choix judicieux et c’était une manière intéressante de passer mon temps. 20 années dans le métier n’ont fait qu’appuyer tout cela. On a besoin d’un but profond, de responsabilités, c’est important pour la santé mentale et le bonheur.
Vos personnages du film sont-ils proches de vos personnalités respectives ?
Charlie Hunnam : Une partie de notre boulot c’est de combiner la nécessité de ramener un personnage à la vie tout en y injectant notre propre essence à l’intérieur. Il y a deux écoles, deux approches pour l’acting : se transformer complètement, et s’oublier totalement dans un personnage (ce qui ne reflète pas qui vous êtes), ou alors explorer et mettre de soi dans le personnage que vous jouez. Au début de ma carrière j’ai passé beaucoup de temps à essayer de reproduire mon idéal paternel. C’était vraiment très personnel. Et je pense que là je suis arrivé à la fin de « ce voyage », cependant je me sens obligé de choisir des films qui explorent des sujets qui me touchent personnellement et qui sont importants pour moi.
Garrett Hedlund : D’abord vous lisez le script et vous évaluez combien le personnage que vous êtes supposé interpréter est loin de ce que vous êtes. Donc vous trouvez du temps pour faire des recherches et voir comment vous pouvez vous transformer. Pour celui-là, j’ai tenté de le personnaliser. Cette fraternité, le fait de s’épauler les uns les autres, c’est basiquement ce que Charlie et moi ressentons, et j’ai aussi essayé d’apporter ma petite touche humoristique !
Propos recueillis par Anne Domureau.
Triple Frontière de J.C. Chandor, sera disponible sur Netflix à partir du 13 mars 2019.