CRITIQUE / AVIS FILM - Après "Épouse-moi mon pote", Tarek Boudali s'amuse dans une comédie potache vaguement installée sur un fond d'action et d'intrigue policière.
30 jours max : partout, rien de nouveau
30 jours max est le film parfait pour juger de la situation actuelle, si particulière pour le cinéma. En temps normal, Tarek Boudali s'avancerait fort d'une collaboration et d'une amitié fécondes avec Philippe Lacheau. Ensemble, leurs films cartonnent au box-office et passent allègrement les deux millions d'entrées. Babysitting et sa suite, Épouse-moi mon pote, Alibi.com sont des comédies populaires, et leur bande de potes/comédiens est de fait une des "familles" préférées du public. L'humour est facile, potache tendance gras, et économiquement ça marche. Alors que les salles sont à l'agonie et que le public s'y rend à reculons, quel score 30 jours max peut-il faire ? Et surtout, dans cette situation où tout film potentiellement "millionnaire" est à favoriser, son appréciation peut-elle être entièrement objective ?
Mais revenons-en au film. Rayane est un policier, maladroit, pas très futé, mais amoureux de sa collègue (Vanessa Guide) et profondément gentil. Humilié par les hot shots du commissariat, on lui diagnostique par erreur une maladie terrible qui va le tuer, d'ici 30 jours. C'est l'opportunité pour lui de se révéler et de prouver qu'il vaut quelque chose. Le scénario n'a rien d'original : le héros survivra, séduira l'élue de son cœur, après avoir quand même montré qu'il n'était pas si nul. On remarque deux choses. D'une part cette histoire cousue de fil blanc est le lit d'une succession de scènes comiques jouant sur le malentendu, le mensonge, l'inexpérience et la surprise de l'entourage de Rayane. D'autre part, on voit bien que Tarek Boudali s'est préparé à assumer un rôle d'action hero. Le torse musclé, il court, saute, se bat, et doit affronter des méchants. Évidemment, tout ceci vient avec un principe comique évident : il n'est pas un vrai héros ni un flic de choc, donc tout se passe plus ou moins de travers.
Il serait inexact de dire que le film est "nul", puisqu'il s'y passe des choses et que certaines font sourire. À force de faire des films depuis longtemps, ou de les faire ensemble, les interprétations du casting semblent naturelles. José Garcia, en caïd menaçant, et plusieurs seconds rôles (Marie-Anne Chazel et Philippe Duquesne) font le job apparemment de bon cœur. La réalisation est on ne peut plus simple et facile, sans chorégraphies d'action ou direction artistique particulière. Mais est-ce vraiment un problème ?
Innocent, imbécile et heureux
Si on peut reprocher aux films de Lacheau et Boudali, inséparables et interchangeables devant/derrière la caméra, de jouer parfois sur une dérision basse du front et de manquer d'une véritable originalité, il faut bien se demander ce qui marche autant. Au pays de la comédie de mœurs, où les franchises comiques ont la cote (Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?, Les Tuche), pourquoi un film comme 30 jours max, moyen sur tous les plans, réussirait ?
C'est peut-être là l'enseignement du moment : 30 jours max n'est pas un bon film, ne réussira pas au-delà du score au box-office pour lequel il est conçu, mais ce n'est pas grave. Les blagues et bêtises, essentiellement assurées par Philippe Lacheau dans ce film, sont bêtes à manger du foin, mais elles ne sont pas non plus agressives, très gênantes ou même vraiment ratées. Tarek Boudali maîtrise son sujet sur le bout des doigts, sait où il veut aller et comment, ça se regarde vite, c'est indolore et inoffensif, c'est inutile. Dans une autre situation, on reprocherait à 30 jours max de ne faire aucune différence, de ne rien proposer d'autre qu'un énième tour de piste d'une équipe qui fait marrer les jeunes. Mais aujourd'hui, alors que le cinéma se prend de plein fouet la pandémie et a déjà un genou à terre, il serait absurde de taper plus sur celui-ci, un film sans vraiment d'ambition, que sur un film plus volontairement plus technique, qui lui en aurait trop.
Ne vous y trompez pas, 30 jours max ne fait pas de "bien", mais il ne fait pas de "mal" non plus. Il est là sans que ça n'étonne personne, avec son expérience indéniable du ressort comique basique, la persistance de ces auteurs dans le paysage depuis plusieurs années, et une popularité réelle. Dans une industrie hyper-tendue, elle-même dans une situation globale encore plus tendue, Tarek Boudali s'avance avec sa belle gueule, son sourire d'enfant, et une naïveté presque désarmante. 30 jours max est un film innocent, imbécile et heureux. Entièrement dispensable mais innocent, et c'est tout ce qu'on peut en retenir quand passe l'envie d'être féroce.
30 jours max de Tarek Boudali, en salle le 14 octobre 2020. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces. Ressortie dans les salles le 19 mai 2021.