Abuela : Paco Plaza revient à l'horreur et filme une vieillesse monstrueuse

Glaçant !

Abuela : Paco Plaza revient à l'horreur et filme une vieillesse monstrueuse

CRITIQUE / AVIS FILM - Après le thriller décevant "Eye for an Eye", le cinéaste espagnol Paco Plaza revient à l'horreur avec "Abuela". Un retour réussi pour le coréalisateur de "[•REC]" ?

Abuela : ô vieillesse ennemie

Toutes les clés du récit d'Abuela sont données dès l'introduction. Assise à la table d'un café, une dame âgée observe sa montre jusqu'au moment où le mécanisme de l'objet s'interrompt. Souriante, elle rentre dans un appartement où elle tombe sur un corps sans vie. Quelques secondes plus tard, une autre femme nue et beaucoup plus jeune fait irruption dans la pièce.

En jouant sur le silence perturbé par un tic tac ainsi que sur l'attitude étrange de ses actrices, Paco Plaza introduit d'emblée le malaise dans son nouveau film. Il faudra évidemment patienter jusqu'à la fin du long-métrage pour que l'histoire prenne tout son sens. Et même si la conclusion s'avère un brin prévisible, ce huis clos mérite amplement le déplacement pour son traitement singulier de thématiques universelles.

Abuela
Pilar (Vera Valdez) - Abuela ©Wild Bunch

Ce qui intéresse le réalisateur espagnol est bien sûr le rapport au temps, la décrépitude de l'esprit et surtout du corps. Il oppose immédiatement la douceur de la jeunesse aux rides de la vieillesse en les filmant de près. Quelques minutes plus tard, un photographe cocaïné explique à l'héroïne Susana (Almudena Amor), une mannequin âgée de 25 ans, qu'elle est "une putain de vieille".

Ne cherchant pas à être subtil, le cinéaste va droit au but et cette notion de silhouette dotée d'une date de péremption revient souvent au cours du film, notamment lorsque Susana observe une campagne de publicité sur laquelle elle apparaît parfaitement lisse, tandis que ses traits et ses yeux sont d'abord marqués par la fatigue, puis l'effroi.

L'horreur et les ravages du temps

Alors que sa carrière est sur le point d'exploser à Paris, Susana n'a d'autre choix que de rentrer à Madrid quand sa grand-mère Pilar (Vera Valdez) est victime d'une attaque. Après ses sourires des premières minutes, cette dernière est devenue léthargique et n'arrive plus à parler. Étant la seule famille qu'il lui reste, sa petite-fille n'hésite pas à mettre en pause ses projets pour s'occuper d'elle en attendant de trouver une solution.

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Susana (Almudena Amor) - Abuela ©Wild Bunch

Mais au bout de quelques jours, Susana voit son agent lui tourner le dos pour une nouvelle recrue. Elle semble par ailleurs retenue dans l'appartement de sa grand-mère. La jeune femme aimante se dévoue pour Pilar mais est rapidement témoin d'événements de plus en plus inquiétants. Dans •REC, coréalisé par Paco Plaza et Jaume Balagueró, une vieille dame contaminée se tient immobile dans l'obscurité d'un long couloir de son logement de Barcelone, se balançant légèrement avant de rugir vers la caméra. Abuela provoque la même sensation que ce plan, mais sur la durée.

Le long-métrage délaisse les jump scare, préférant jouer sur les regards tour à tour vides et hallucinés de Vera Valdez mais aussi sur ses fous rires démentiels, ainsi que sur les réactions tétanisées d'Almudena Amor. Les deux actrices sont excellentes dans cette relecture moderne du Portrait de Dorian Gray. La quête de l'éternelle jeunesse passe ici par des méthodes particulièrement cruelles. Tout en réussissant à limiter leurs dialogues et à ne jamais expliciter leurs intentions avant le final, Paco Plaza exploite à merveille le potentiel machiavélique de personnages prêts à tout pour échapper à l'appel de la mort.

Enfermement et paranoïa

Dans sa façon de donner l'impression que son héroïne est constamment épiée et que le mal rôde autour d'elle, Abuela rappelle l'excellent Malveillance de son confrère Jaume Balagueró. Le film de Paco Plaza s'écarte en revanche de son prédécesseur avec sa dimension surnaturelle, rarement appuyée et semant ainsi le doute dans l'esprit de Susana et du spectateur.

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Pilar (Vera Valdez) - Abuela ©Wild Bunch

Descendant de Rosemary's Baby, avec lequel il partage la paranoïa et la claustrophobie, Abuela ne se révèle vraiment que dans ses ultimes instants où la noirceur triomphe, à l'instar de son modèle. Après les décevants Verónica et Eye for an Eye, Paco Plaza semble enfin de retour.

Abuela de Paco Plaza, en salles le 6 avril 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Note de la rédaction

S'il n'est pas à la hauteur de ses modèles, dont "Rosemary's Baby", "Abuela" est rempli de séquences tétanisantes, qui reposent en partie sur le talent de ses deux excellentes actrices.

Note spectateur : Sois le premier