CRITIQUE FILM - Alors que « The Third Murder » est sorti il y a quelques mois en France, le prolifique réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda est déjà de retour avec « Une affaire de famille », où un groupe de voleurs à l’étalage accueille une petite fille au sein de leur famille improvisée.
Hirokazu Kore-eda tourne plus vite que son ombre. En 2017 sortait Après la tempête, présenté en compétition à Cannes il y a deux ans, l’histoire d’une famille divorcée réunie alors qu’un orage se profilait à l’horizon. Un an après sortait The Third Murder, présenté à Berlin, sur une enquête judiciaire assez retors (voir notre critique). Enfin, toujours en 2018, Une affaire de famille était présenté à Cannes, où il remporta la Palme d'or. Le film est centré sur les relations intimes d'un petit groupe de voleurs à la sauvette au sein duquel, les femmes, les hommes, et les enfants, vivent coupés du monde extérieur, entretenant une position paradoxale, aussi exclus de la société (microcosme social reclus entre ses murs) que tributaires de celle-ci (vol à la sauvette ou à l'étalage).
Si les identités mouvantes des différents membres de cette improbable famille (une grand-mère, deux femmes, un homme, un garçon et une petite fille) n’ont, au départ, que peu d’importance, le « lien » qui les unis, et qui est sous-entendu dans le film selon de multiples angles d’approche, est surtout celui d’une marginalité exacerbée, d'un mode de pensée « envers et contre tous ». Hirozaku Kore-eda met là en place un film typique de son oeuvre et de ses thématiques habituelles, là où il n’y a qu’un pas – ou ici quelques patés de maison – entre la famille décomposée (la petite fille abandonnée) et celle recomposée (des Shibata). Kore-eda sait faire ce qu’il a toujours fait et Une affaire de famille ne déroge pas à la règle : c'est sans doute le problème.
Une affaire de famille, bien conscient de sa « joliesse » d'ensemble, aura parfois même le réflexe de s’y reposer trop facilement, quitte à épuiser l'intérêt provoqué par les sempiternels conflits relationnels entre un père et son fils de substitution, ceux d'une jeune femme entre deux âges à la recherche d'un compagnon, ou encore ceux issus de cohabitation comique avec la grand-mère, qui veille sur la troupe autant qu'elle agace. De ce côté là, Une affaire de famille rejoint Tel père, tel fils ou Après la tempête dans son analyse des relations intra-familiales à ras le sol, évoquant une filiation assez évidente avec le cinéma de Yasujiro Ozu. Une affaire de famille ne deviendra intéressant que lorsque Kore-eda sortira, justement, de ce portrait très appliqué de la cellule familiale consanguine voire autistique assez attendue.
Kore-eda y met en place des jeux miroirs déjà au centre de la réflexivité de The Third Murder. Dans Une affaire de famille, les membres la famille Shibata sont amenés à être reflétés dans un coin de la pièce où ceux-ci se trouvent, par un miroir ou une vitre. Au delà de cet effet de mise en scène qui permet d’agrandir l’espace confiné de la maison Shibata sans pour autant libérer physiquement les personnages de leur espace, celui-ci sous-entend que ces derniers cachent quelque chose. Leur double-personnalité, soulignée à l'écran, n'attend qu'à être dévoilée. Un exemple parmi les quelques bonnes (et simples) idées qui permettent à ce nouveau Kore-eda, à défaut de nous avoir fondamentalement étonné, de figurer honorablement au sein de sa filmographie.
Une affaire de famille de Hirozaku Kore-eda, en Compétition officielle à Cannes 2018, en salle le 12 décembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.