CRITIQUE / AVIS FILM - Charlotte Wells impressionne avec son premier long-métrage "Aftersun", un drame touchant sur une relation à la fois belle et tragique entre un père en souffrance et sa fille. L'occasion de retrouver Paul Mescal et de découvrir la jeune Frankie Corio.
Paul Mescal, un acteur à suivre
Paul Mescal n'est pas encore une star, mais nul doute qu'il a le potentiel pour attirer vers lui les projecteurs. Encore au début de sa carrière, le comédien a été révélé avec la série Normal People (2020). Dans la foulée du show proposé en France sur Canal+, l'acteur est apparu dans The Lost Daughter (2021) de Maggie Gyllenhaal disponible sur Netflix. Bien qu'on ne doutait pas de son talent, il confirme toujours plus dans le film indépendant Aftersun.
Aftersun est le premier long-métrage de Charlotte Wells. La réalisatrice révélait, en préambule de la projection du film au 48e Festival de Deauville, avoir travaillé pendant sept ans sur ce film, "ou peut-être toute (sa) vie...". Elle précise également avoir passé des années à "décrire (ses) propres souvenirs, à (se) poser des questions sur (sa) relation avec (son) père" jusqu'à ce que cette œuvre deviennent "de plus en plus personnelle". On y suit ainsi, à la fin des années 1990, Calum, un jeune père de trente ans, et sa fille Sophie, onze ans, qui passent leurs vacances dans un club de la côte turque.
Aftersun, ou la difficulté d'aller bien
Aftersun se place du point de vue de Sophie mais parvient remarquablement à faire du mal-être que tente de cacher son père l'élément central. On finit en effet par comprendre que Calum est dans une profonde dépression. Et les vacances de rêve qu'il tente de faire vivre à sa fille ne permettront pas de cacher indéfiniment sa douleur. Le plus tragique est que Charlotte Wells fait le choix de ne pas donner d'explications à l'état de son personnage. La réalisatrice n'est pas là pour nous rassurer, ni même nous prendre la main. Elle parvient néanmoins à révéler nos propres angoisses et questionnements.
L'œuvre de Charlotte Wells est exigeante. Elle peut paraître longue malgré sa courte durée (1h38), mais passé l'effort, nous voilà récompensés et submergés d'une émotion forte. Car Calum est indéniablement un bon père, qui en plus de vivre avec sa tristesse, doit lutter pour ne rien laisser paraître à sa fille. Pour ne pas révéler ses failles. Non pas par fierté, mais pour le bien-être de sa fille qu'il tente de protéger du mieux qu'il peut - ce qui le rend éminemment empathique, et Sophie tout autant.
L'épreuve reste tout de même difficile pour lui. En atteste cette séquence déchirante où Sophie tente de convaincre son père de chanter avec elle dans un karaoké. Si à un autre instant c'est bien lui qui la tire pour danser sur une piste de danse, cette fois, son mal-être prend le dessus et l'empêche d'assurer son rôle correctement. Sophie chante alors seule, sans conviction, face à un père paralysé.
Charlotte Wells impressionne déjà
Charlotte Wells est particulièrement subtile (comme dit plus haut, exigeante), et fait passer le fond de son histoire par des détails. Par une ambiance tendue bien que pleine de tendresse (mais aussi des flashs rêvés dans une boîte de nuit, de nos jours), sans jamais tomber dans du drama facile. La réalisatrice impressionne par sa maturité et sa capacité à éviter tous les pièges. Plus d'une fois on imagine le scénario prendre la mauvaise direction. Mais Charlotte Wells ne fait pas la moindre erreur et dépeint également un portrait si juste de l'adolescence.
En plus de maîtriser son sujet, elle peut s'appuyer autant sur ce Paul Mescal touchant, que sur la jeune et sympathique Frankie Corio qu'elle met ici en lumière. Leur alchimie est beaucoup dans la réussite d'Aftersun. Un duo beau, attachant et émouvant. On aimerait ne pas avoir à les quitter. Et, comme Sophie, que ces vacances, bien que parfois rudes, durent éternellement et ne soient pas qu'un souvenir immortalisé par un camescope.
Aftersun de Charlotte Wells, en salles le 1er février 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.