CRITIQUE FILM - Deux chiffres marquants au jour de la sortie d'Alad'2 : entre 19 et 20 millions d'euros de budget, et une distribution dans 752 salles. On pourrait ainsi être tenté de parler d'accident industriel. En réalité, il n'y a pas d'accident, tant rien ne dit qu'il aurait pu en être autrement. Rien ne dévie du plan, qui est de coller Alad'2 au plus proche du néant de bout en bout de ses 98 minutes.
C’est un joli mot génie, ça sonne bien et ça désigne beaucoup de choses. Le génie civil, le génie d’un artiste, d’un penseur. Il est question d’expertise, de beauté, d’humanité aussi. Dans ce deuxième opus des aventures d’Aladin - ou devrait-on écrire Aladdin, comme le dessin animé ? Le film s’en contrefout, d’ailleurs tout ce qui aurait rapport à l’écrit ou au langage dans Alad’2 est tourné en dérision.
On s’égare, et c’est sans doute la faute de cette comédie ratée dans les grandes largeurs. Le scénario très faible creuse de manière croissante dans la gêne, jusqu’au choix délibéré de faire n’importe quoi. On assiste à une succession de sketchs débiles, sans aucun second degré, sans aucune ambition, mesquins et nourris d’une culture publicitaire avec des mentions absurdes à EDF et Capri Sun.
Alad’2, évidemment sans génie
Les rôles féminins sont réduits à la seule fonction de jolies potiches et c’est dommage car Vanessa Guide est une comédienne plutôt talentueuse et mérite beaucoup mieux. Les décors font carton-pâte (était-ce volontaire ?) et les effets spéciaux sont d’une qualité très moyenne. Mais où est donc passé tout ce budget ?
Le drame de cette production est que, en plus des gags ratés, de très mauvais goût, tous construits sur des arguments sexistes, homophobes, voire racistes, c’est tout le film en lui-même qui tourne en dérision le cinéma. Pour son plus grand malheur, Alad’2 veut s’aligner sur Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, avec ses cameo, le soleil méditerranéen, les références aux fictions populaires. Là où Alain Chabat réussissait un film fin et hilarant, ainsi qu'un hommage au célèbre petit Gaulois, Lionel Steketee bâcle le travail et humilie le héros du conte des Mille et une nuits. Dans une courte apparition, très proche de celle de Mission : Cléopâtre, Isabelle Nanty refait la blague du réseau. Dans une autre apparition, Gérard Depardieu reprend son rôle de Christophe Colomb dans 1492. Et puis Frédéric Lopez aussi, eh oui, pourquoi pas ? Que dit-on déjà de ceux qui osent tout ?
Dans cette entreprise de destruction, le réalisateur est bien aidé par son casting, et en premier lieu Kev Adams. L'acteur et sa grande popularité restent un mystère, et se préparent sans doute à un réel gâchis. Objectivement capable de comédies, populaires auprès des jeunes et très jeunes générations, ses « œuvres » sont limitées, à la limite de la pathologie. Comme dans Les nouvelles aventures d’Aladin, le récit sort tout droit de la tête de Sam/Kev Adams, de nos jours, récit qu’il conte à un enfant dans l’avion qui l’emmène à Marrakech pour récupérer la femme de sa vie. Une sorte de boucle scénaristique infernale.
Alad’2 est un non-film
En face de lui, Jamel Debbouze, Shah Zaman, en réalité le personnage principal du film, joue le petit chef de guerre à l’accent incompréhensible, s’amusant à détruire systématiquement grammaire et syntaxe, dans une succession de scènes infantilisantes et gênantes. Un savoir-faire qui faisait rire il y a quinze ans, qui marchait dans Mission : Cléopâtre, mais qui ici, aujourd’hui, fonctionne plus qu’à l’envers. Lors des présentations, Aladdin l’appellera Rasta Man, puis Shawarma…
Pour les accompagner, Eric Judor en génie d’Aladdin et Ramzy Bedia en génie de Shah Zaman. Tous les quatre, avec un jeu caricatural au possible, ils forment un quatuor désaccordé. La raison est simple : ils sont tous venus pour monter leur cote de popularité et prendre un cachet. Preuve ultime : la dernière scène du film se passe dans un terminal de l’aéroport de Marrakech, où trône une publicité pour le festival Marrackech du rire, plus que visible. Un festival créé par Jamel Debbouze et diffusé tous les ans sur M6, producteur d’Alad’2.
Il y a donc une seule originalité au film, qu'on découvre à tête reposée et sensibilité soignée, et qu’on appréciera une fois qu’on aura fini de voir flou : Alad’2 est une pure négation du motif cinématographique, et de l’art en général. Ce n’est pas rien. Bravo à eux.
Alad'2 de Lionel Steketee, en salle le 3 octobre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.