Alberto Giacometti, The Final Portrait : un biopic qui fuit les clichés

Alberto Giacometti, The Final Portrait : un biopic qui fuit les clichés

CRITIQUE FILM - Avec "Alberto Giacometti, The Final Portrait", Stanley Tucci raconte l’amitié entre le peintre et l’écrivain James Lord de manière savoureuse, aidé par des comédiens en très grande forme.

Pour son cinquième film en tant que réalisateur, Stanley Tucci a opté pour un biopic, malgré le fait qu’il n’apprécie pas particulièrement le genre. Considérant qu’il est impossible de résumer la vie d’une personnalité en deux heures, le cinéaste a préféré s’intéresser à un événement précis de la carrière de l’artiste Alberto Giacometti.

En 1964 à Paris, Giacometti demande à son ami James Lord de poser pour son ultime portrait. L’écrivain accepte avec plaisir et est enchanté à l’idée qu’il ne faudra qu’une journée au peintre pour réaliser le tableau. C’était sans compter sur la rigueur de Giacometti, qui aura finalement besoin de plusieurs semaines pour en venir à bout.

Un parti pris comique qui crée la surprise

La voix-off de James Lord qui ouvre Alberto Giacometti, The Final Portrait laisse penser que le film sera d’un académisme ronflant, à l’inverse de la personnalité qu’il présente. Cependant, dès la première apparition du peintre, Stanley Tucci brise le sérieux de l’entreprise. En bon écrivain, James Lord observe Giacometti aller d’un bout à l’autre de son atelier sans piper mot.

Cette première rencontre révèle un ton comique qui ne cesse de surprendre tout au long du film. Le réalisateur dépeint les méthodes de travail de Giacometti de façon passionnante. Son exigence et ses divagations surprennent perpétuellement à travers des séquences répétitives mais captivantes. Tout comme James Lord, le spectateur a envie de voir le tableau se compléter et sait pertinemment que son avancée dépendra de l’humeur du peintre.

Alberto Giacometti, The Final Portrait : Critique du film de Stanley Tucci.

A l’image de l’écrivain, il s’adapte donc à lui et s’attache rapidement à cet artiste fascinant, tour à tour bavard et renfermé, râleur puis rieur. Le long-métrage nous emmène dans les lieux parisiens qu’il avait l’habitude de fréquenter, que ce soit seul ou avec quelques proches. Isolé, Alberto Giacometti passait la majorité de son temps dans son atelier, hormis lorsqu’il s’offrait une balade ou un repas dans un bistrot. La grisaille de Paris fait écho à celle de son atelier, ses vêtements et ses œuvres. Si la reconstitution de la capitale est assez limitée, Tucci donne le sentiment, en montrant les habitudes de Giacometti, que la ville était idéale pour le peintre.

Giacometti éclipse quelque peu les personnages qui gravitent autour de lui. Le spectateur comprend néanmoins qu’ils sont indispensables à son équilibre. Dans sa demeure défilent en effet son épouse, sa maîtresse et son frère qui le réconfortent et l’apaisent chacun à leur façon. Là encore, le fait qu’ils passent dans les mêmes endroits à quelques secondes d’intervalle sans se croiser résulte sur des scènes comiques, mais également tragiques. Ces moments révèlent en effet l’égoïsme de Giacometti, personnalité brillante et attachante mais difficile à suivre et cruelle lorsque ses tourments le dépassent.

Une direction d'acteurs impeccable

Si Alberto Giacometti – The Final Portrait captive de bout en bout, c’est donc en grande partie grâce aux joutes entre les personnages. Ces échanges savoureux débutent souvent par de longs regards croisés.

Avant de parler avec Giacometti, James Lord l’observe souvent avec un air rieur et curieux qui renforce l’attention du spectateur, également à l’affût. Lorsqu’il peint Lord, l’artiste le regarde quant à lui avec un air méfiant qui précède généralement un juron lancé avec ferveur. La posture de Geoffrey Rush et son détachement permanent ne cessent d’impressionner. Le comédien offre l’une de ses plus belles interprétations. Les manières de Giacometti auraient pu le faire tomber dans la caricature mais ce n’est jamais le cas.

Alberto Giacometti, The Final Portrait : Critique du film de Stanley Tucci.

Face à lui, les autres acteurs ne déméritent pas. Chacune des apparitions de Tony Shalhoub se révèle par exemple être aussi rassurante pour James Lord que pour le spectateur. L’acteur fétiche de Stanley Tucci interprète ici Diego Giacometti, personnalité apaisante et nettement plus réfléchie que son frère. Dans les rôles de l’épouse et la maîtresse de l’artiste, Sylvie Testud et Clémence Poésy retranscrivent aussi bien la difficulté de vivre avec lui que le contrôle qu’il était possible d’avoir sur lui à certains moments bien précis. Enfin, Armie Hammer n’hésite pas à se placer en retrait par rapport à tous ses partenaires. Il dévoile ainsi parfaitement la fascination de James Lord pour Giacometti, sur lequel il écrira deux ouvrages après la réalisation du portrait.

A l’instar du récent Les Heures sombres, Alberto Giacometti – The Final Portrait réussit à retranscrire la complexité d’une personnalité singulière en se concentrant sur une courte période. Si la réalisation n’est pas à la hauteur du scénario passionnant, le film parvient à garder son rythme entraînant jusqu’au générique de fin. Cela est en grande partie dû à l’amitié qu’il présente et à laquelle les acteurs n’ont aucun mal à nous faire croire. Ne serait-ce que pour ses personnages atypiques et attachants, le long-métrage mérite le déplacement.

 

Alberto Giacometti, The Final Portrait de Stanley Tucci, en salle le 6 juin 2018. CI-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

"Alberto Giacometti, The Final Portrait" présente une tranche de vie passionnante d’un artiste fascinant et magistralement interprété par Geoffrey Rush.

Sur la bonne voie

Note spectateur : Sois le premier