CRITIQUE FILM - Robert Rodriguez ("Sin City", "Une Nuit en Enfer") est de retour avec une adaptation de manga : "Alita : Battle Angel". Dedans, les humains et les cyborgs se côtoient à Iron City. Il signe un blockbuster très réussi et prouve qu'un bon film adapté de manga est possible.
Pendant que James Cameron est accaparé sur les suites d'Avatar il délègue certains de ses projets. Il y a déjà Terminator 6, confié à Tim Miller et prévu pour le 13 novembre prochain. Mais il y a également Alita : Battle Angel, projet de longue date du cinéaste confié à Robert Rodriguez. Porté par Rosa Salazar, Christoph Waltz, Jennifer Connelly et Mahershala Ali, Alita est une adaptation du manga Gunnm créé par Yukito Kishiro au début des années 1990. Dans un futur dystopique, les humains et les cyborgs se côtoient à Iron City dans une ambiance crasseuse directement inspirée du manga.
Une histoire qui prend son temps à se lancer mais est relativement fidèle au manga
James Cameron a écrit le scénario d'Alita : Batlle Angel en fusionnant les quatre premiers tomes. Il ne concentre donc pas toute la série en un seule film et espère bien en garder sous le coude pour une potentielle suite. Une histoire d'ailleurs relativement fidèle au manga de Yukito Kishiro. Les aficionados y retrouveront leurs personnages mais surtout Iron City, une ville détériorée, un Gotham lumineux du futur, qui existe en dessous d'une cité flottante. A la manière d'Elysium, les riches vivent en haut tandis que le commun des mortels survit dans un lieu inapproprié, crade et délabré. Iron City est représenté comme une ville équatoriale, quelque part en Amérique du Sud, où différentes nationalités se croisent. Ainsi, les cinéastes américains s'éloignent un peu de la vision de Gunnm pour créer une ville vivante en pleine effervescence.
Rosa Salazar interprète une Alita très touchante. Douce et sincère, mais également véritable machine à tuer, elle va devoir s'adapter à ce nouvel environnement et rechercher les souvenirs effacés de son passé oublié. Le début du long-métrage est relativement timide. Le tout est assez téléphoné et manque de rythme. Robert Rodriguez enchaîne les mises en situation sans véritable vision. Il rempli le cahier des charges pour introduire ses personnages et ses enjeux dans une approche classique. Ido trouve Alita, s'en suit une phase rapide d'apprentissage dans laquelle le cinéaste va introduire tous ses protagonistes et leur place dans l'intrigue sans montage particulier. Tout s'enchaîner succinctement.
Néanmoins, les décors sont superbes, et le cinéaste met en place une ville néo-futuriste intéressante car elle parvient à se créer sa propre identité. S'inspirant évidemment des classiques du genre comme celle de Ghost in the Shell, d'Akira ou bien évidemment de Blade Runner, le lieu se démarque par une approche plus lumineuse, plus joviale. Finalement, avec son étalonnage plus jaune et ensoleillé, Robert Rodriguez veut créer son propre univers en s'inspirant des grands classiques mais en s'éloignant de l'aspect froid, bleu et métallique qui animent les œuvres précédemment cités. Il est cette fois plus prêt de la vision d'un James Cameron que celle d'un Quentin Tarantino. Et si ce n'est la superbe scène dans le bar des hunters, référence directe à la fin du premier tome du manga, séquence véritablement pop et décérébrée où la folie de Robert Rodriguez vient enfin pointer le bout de son nez, le style si particulier du cinéaste se fait assez rare, au profit d'un blockbuster calibré mais néanmoins d'une efficacité redoutable.
Visuellement renversant
Outre les décors, les personnages sont parfaitement mis en scène. Alita est superbe. Filmé en motion capture, le personnage de Rosa Salazar est paradoxalement celui qui a le rendu le plus humain à travers le film. Une prouesse visuelle qui doit son réalisme à des effets spéciaux de dernière génération et une interprétation sans faille de la jeune actrice. Eric Saindon, superviseur des effets spéciaux raconte cet exploit visuel :
Nous sommes maintenant capables de travailler au niveau de la musculature faciale, il ne s’agit donc plus seulement de déplacer la peau en surface, mais aussi les muscles qui se trouvent en dessous. Vous pouvez le voir dans les mouvements du visage d’Alita, qui reproduisent quasiment à l’identique ceux de Rosa. Nous avons passé des centaines d’heures rien que sur la bouche d’Alita parce que la clé pour qu’une scène fonctionne, même s’il s’agit d’une grosse scène d’action, ce sont les expressions humaines – et Rosa a un visage très expressif.
Un travail titanesque totalement récompensé tant le personnage d'Alita est un brillant mélange des techniques modernes et d'une écriture humaine.
Et il faut dire que l'ensemble impressionne. Les effets spéciaux sont renversants. Magnifique d'un point de vu visuel, Alita permet de mettre en scène des séquences d'action suspendues. Une fois l'introduction passée et l'intrigue lancée sur ses rails, Alita : Battle Angel est ainsi un florilège de séquences d'action plus impressionnantes les unes que les autres. Il y a donc cette fameuse scène dans le bar, mais surtout la séquence du Motorball. Vous vous souvenez du Rollerball de McTiernan ? C'est le même principe mais en beaucoup plus violent et beaucoup plus beau. L'action y est palpitante, et la mise en scène incroyable. Cette séquence de chasse à l'Homme qui se termine dans les rues d'Iron City est splendide et représente la quintessence du long-métrage. Un passage où Robert Rodriguez peut exprimer tout son savoir-faire pour signer des instants d'action pure. Chaque geste, chaque mouvement est parfaitement chorégraphié dans une danse vive. On en aurait demandé plus, mais cette séquence vaut en tout cas de l'or.
Robert Rodriguez n'oublie pas de conclure son arc. Et même si le rapport entre les puissants sur la ville volante et les pauvres dans Iron City n'est pas forcément assez développé, cet élément permet de créer une sorte de légende presque fantasmagorique d'un lieu, d'une condition illusoire que chacun tente d'atteindre. Sortir de la boue pour côtoyer les puissants, pour toucher le ciel. Une allégorie de la hiérarchisation sociale qui mérite un développement, mais qui permet d’asseoir un enjeu psychologique solide. Alita : Battle Angel n'oublie pas de prendre des risques, notamment dans son dénouement qu'on ne spoilera pas ici, mais qui a le mérite de surprendre, surtout dans le paysage des blockbusters. Quoi qu'il en soit, la fin ouverte laisse suggérer une possible suite. En tout cas, pour nous, ça serait avec un grand oui. Car ce premier film en montre suffisamment pour attiser notre curiosité, et en garde suffisamment pour développer le concept.
Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez, en salle le 13 février 2019. Ci-dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.