CRITIQUE FILM – Deuxième plus gros succès de tous les temps en Corée, « Along With the Gods : The Two Worlds », où un pompier décédé redécouvre sa vie, est un film aux genres multiples. Principalement fantastique, l’œuvre convoque tantôt les codes du film de justice que ceux du film d’enquête, construits autour d’un drame familial intime.
Pour cette 13e édition du festival du film coréen à Paris, s’il y a bien un film qui devait faire l’événement, c’est Along With the Gods : The Two Worlds. Adaptation d’une célèbre bande dessinée coréenne, le film de Kim Yong-hwa est tout simplement le deuxième plus gros succès de tous les temps en Corée, avec plus de 14 millions de spectateurs, derrière un certain Roaring Currents. Sa suite, Along With the Gods : Les 49 derniers jours, sortie en août dernier et réalisée en même temps que le premier volet, en a rameutée, elle, près de 11 millions. Et quand on sait que deux autres films sont en préparation, on peut estimer qu’il s’agit là de la plus grande saga coréenne. Un véritable phénomène qu’on était curieux de découvrir, autant par rapport à l’engouement suscité, que par la mythologie proposée.
Alors qu’il vient de mourir dans un incendie, Kim Ja-hong, un pompier, est accueilli dans l’au-delà par deux hommes et une adolescente. Tous les trois sont ses gardiens chargés de l’accompagner durant ses sept procès, chacun dirigé par un Dieu différent. Kim Ja-hong y est alors respectivement jugé sur la violence qu’il a pu commettre, sur les meurtres dont il a pu être responsable, sur son indolence durant sa vie, etc… Sept thèmes qui permettront de déterminer s’il mérite d’être réincarné, ou si son âme devra purger une peine aux envers. Une manière originale de retracer la vie d’un homme après sa mort, telle une tragédie grecque, et d’invoquer les codes de la justice.
Une oeuvre fantastique qui regorge de subtilités
S’il est dans un premier temps présenté comme un homme bon, ayant toujours cherché à aider son prochain, chaque procès permet de mettre en lumière qu’aucun acte n’est totalement bon ou ayant une possible conséquence néfaste. Sorte d’anti-manichéisme par excellence. En s’épuisant au travail pour fournir une aide financière à sa mère et à son frère, Ja-hong n’aura par exemple pas rendu visite à sa famille durant quinze ans, jusqu’au jour de sa mort. À l’inverse, en écrivant de fausses lettres aux enfants de ses collègues décédés, il leur aura permis de traverser plus facilement l’épreuve du deuil. Un mensonge alors acceptable. Along With the Gods : The Two Worlds développe ainsi sa morale avec intelligence, laissant autant la place à l’émotion qu’à la légèreté.
Bien que les procès soient vite répétitifs – Ja-hong d’abord mis en faute, mais toujours bien aidé par ses trois « avocats » -, ils permettent, d’une part de proposer une cohabitation passionnante entre deux mondes (des vivants et des morts), et d’autre part de voir quelques stars du cinéma coréen cabotiner avec plaisir le temps d’une scène ou plus. Comme Lee Jung-jae (Assassination) en Dieu Yeomra, l’inégalable Oh Dal-su (Veteran) en procureur nerveux, ou encore Kim Soo-an (la gamine de Dernier train pour Busan). Mais surtout, ils ont pour but d’approfondir davantage la caractérisation de cet anti-héros qu’est Ja-hong. Un homme simple, pas si pur et innocent que ça, mais motivé par son désir de communiquer une dernière fois avec sa mère – via un rêve, comme promis pour les âmes réincarnées. Ainsi, en étant centré sur cette relation familiale, le film aborde des questions universelles, de culpabilité et de pardon, où toute l’empathie se joue.
Finalement, le plus surprenant avec Along With the Gods : The Two Worlds est peut-être sa capacité à proposer un grand spectacle avec une mythologie originale autour d’un simple drame intimiste. Dans un autre genre, c’était justement la grande force d’Interstellar. Cependant, Along With the Gods : The Two Worlds trouve ici des limites dans sa recherche du sensationnel. Visuellement, le film est une vraie réussite, cela ne fait aucun doute. Mais on peut se questionner sur l’utilité des « scènes de combat ». Ces passages dans l’au-delà où les gardiens devront affronter des créatures, créées par un esprit vengeur qui bouleverse l’ordre du monde des vivants. Gratuites et sans véritable enjeu, mais efficaces, elles seront uniquement un moyen de dynamiser le film, tout en étant un reflet de ce qu’il se passe dans le monde des vivants. Face à cet imprévu, le leader des gardiens (Ha Jung-woo, toujours très charismatique) devra suivre une autre piste pour comprendre l’origine de cet esprit vengeur. Un moyen de faire une nouvelle fois cohabiter les genres dans le film et de redonner un nouveau souffle à un récit parfois rébarbatif. Suffisant pour nous tenir en haleine durant près de deux heures vingt et attiser notre curiosité autour des suites à venir.
Along With the Gods : The Two Worlds de Kim Yong-hwa, présenté lors du 13e festival du film coréen à Paris du 30 octobre au 6 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.