CRITIQUE FILM – Annoncé comme le premier film évoquant les attentats de novembre 2015, « Amanda », réalisé par Mikhaël Hers, est un mélodrame d’une pudeur et d’une justesse désarmantes. Dans le rôle d’un jeune homme devant endosser des responsabilités totalement inconnues pour lui, Vincent Lacoste livre probablement son interprétation la plus touchante et forme un très beau duo avec la jeune Isaure Multrier.
Après Memory Lane et Ce sentiment de l’été, Mikhaël Hers nous plonge de nouveau dans Paris, ville pour laquelle il semble porter un amour inconditionnel. Avec Amanda, le cinéaste reste essentiellement dans les grandes artères de la capitale, qui semblent calquées sur les émotions de ses personnages principaux, tour à tour marqués par la joie et le deuil. Le long-métrage nous présente David, un jeune homme de 24 ans qui enchaîne les petits boulots et mène une existence paisible. Lorsque sa sœur aînée décède brutalement, le jeune homme doit prendre en charge Amanda, sa nièce, âgée de 7 ans. Malgré le deuil, David endosse des responsabilités jusque-là inconnues qui le rapprocheront de la petite fille et les aideront à surmonter leur peine.
Une ville en mouvement et en perpétuel changement
Le Paris que présente Mikhaël Hers dans l’exposition paraît en plusieurs points idylliques. Sans jamais tomber dans le côté carte postale de certains longs-métrages (à commencer par Minuit à Paris), le cinéaste nous immerge dans le quotidien à la fois bien rempli et tranquille d’un jeune homme appliqué, qui aime prendre son temps. Entre les balades à vélo sur les grands axes lumineux, le travail d’élagueur qui lui permet d’observer la vie qui se déroule dans les parcs ou encore ses contacts avec des locataires qu’il est chargé d’accueillir dans une résidence, chaque élément de la vie de David renforce l’atmosphère paisible des vingt premières minutes.
Il en va de même en ce qui concerne sa relation avec sa sœur Sandrine et la petite Amanda. Une dispute au tout début du film permet d’ailleurs de révéler toute la bienveillance entre eux lors de leur réconciliation, au même titre que la complicité que le héros entretient avec sa nièce. Enfant choyée, cette dernière semble elle aussi voguer en toute aisance dans les rues de la capitale, sous les yeux d’une mère aimante qui la regarde grandir dans plusieurs séquences particulièrement touchantes.
Lorsque le drame arrive et que Sandrine meurt sous les balles de terroristes, la ville change soudainement. Les rues et les visages des personnages se ternissent, et la tranquillité réconfortante de l’exposition manque très rapidement au spectateur, surpris et terrassé par les images qui font bien évidemment écho aux attentats de 2015. La très courte vision du massacre, associée à une marche dans une capitale totalement vide, suffit à raviver des émotions à peine estompées au sein du public. Par la suite, Mikhaël Hers redonne à la capitale une énergie qu’elle semble retrouver instinctivement. L’évolution des personnages et de la ville semble se faire naturellement devant l’objectif du cinéaste, qui continue de filmer les mouvements d’un superbe duo naissant, qui fait tout pour démarrer une vie nouvelle après le drame.
Une bonté révélée avec une grâce et une pudeur bouleversantes
Amanda repose d’ailleurs beaucoup sur le naturel de Vincent Lacoste et de la jeune Isaure Multrier, dont la pudeur s’associe à merveille avec la mise en scène toute en retenue du cinéaste. Jamais le film ne tombe dans la maladresse, y compris durant les séquences les plus délicates - à commencer par celle où David doit annoncer à sa nièce la mort de sa mère. Malgré la grisaille de leur quotidien transformé, leur bienveillance ne faiblit jamais et apparaît même chez des personnages secondaires - extrêmement bien écrits et développés malgré leur temps de présence réduit à l’écran. C’est notamment le cas de celui interprété par Jonathan Cohen, qui permet à David de se laisser aller pleinement le temps d’un long dialogue qui réconforte aussi le spectateur.
Mikhaël Hers s’approprie donc les codes du mélodrame en évitant toute caricature. Son récit, centré autour d’une véritable renaissance, sonne toujours juste, ne verse jamais dans la complaisance et préfère montrer la volonté d’aider par les actes plutôt que par le dialogue. En cela, le long-métrage rappelle notamment l’excellent Manchester by the Sea de Kenneth Lonergan, dans lequel un oncle et son neveu devaient apprendre à vivre ensemble malgré leurs difficultés à communiquer. Amanda s’attarde davantage sur des mouvements et des sourires qui réapparaissent plutôt que sur des paroles. L’émouvante scène finale, focalisée sur le visage de l’enfant, en est le parfait exemple.
Peu expressif, hormis lors de certaines scènes où il se retrouve submergé par l’émotion, David se montre cependant toujours dévoué et présent. En témoigne sa romance, brisée par les attentats, avec le personnage interprété par l’excellente Stacy Martin, pour lequel son amour se perçoit toujours par les déplacements qu’il n’hésite pas à faire pour le retrouver. Les choix du héros sont toujours perceptibles et compréhensibles sans qu’ils ne soient jamais plombés par une volonté explicative qui aurait nui à la puissance émotionnelle du récit. La réalisation de Mikhaël Hers colle ainsi parfaitement à la spontanéité du héros, fil rouge de l’histoire qui permet d’aboutir aux retrouvailles et à la réconciliation, notamment avec sa mère absente. Ce naturel omniprésent résulte sur des scènes emplies de grâce, qui font d’Amanda un mélodrame bouleversant, dont la luminosité n’est jamais étouffée par la douleur.
Amanda de Mikhaël Hers, en salle le 21 novembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.