CRITIQUE FILM - Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, "Amin" de Philippe Faucon poursuit l'exploration de l'axe "France-Afrique" à travers une chronique plus humaine que sociale.
Depuis la consécration de Fatima (2015) – César du meilleur film en 2016, le cinéma de Philippe Faucon (La Trahison, Dans la vie, La Désintégration, etc.) connaît une période faste (série pour Arte, court-métrage, sélection cannoise, etc.). S’il ne délaisse pas son axe de prédilection, l’immigration France-Afrique, il s’aventure, avec Amin, dans la chronique où il décrit, avec son réalisme minimaliste, les allées et venues et les rapports (amicaux, professionnels, familiaux, amoureux, etc.) de plusieurs personnages, ou plutôt de plusieurs « types » (employé, patron, mère, père, enfant, mari, femme, frère, ami, etc.) issus de milieux et de nationalités disparates (sénégalais, algériens, marocains, français).
Solitude de l'être
Malgré des trajectoires diverses, parfois même tragiques, une même solitude, un même isolement les accable. Tous semblent alors prisonniers de leur condition, compartimentés et lessivés, « la tête sous l’eau », mis sous pression des deux côtés de la méditerranée : les clients et les patrons en France ; la famille en Afrique.
En France, les journées se ressemblent toutes ; éreintantes, grises, solitaires, dépendants et accrochés à leur téléphone portable comme seul moyen de communiquer. Si le soleil égaye en chaleur et en couleur les retrouvailles, le retour furtif en Afrique est tout aussi ritualisé (distribution des vêtements aux proches, de l’argent aux écoles, des adieux déchirants, etc.). Ici, comme là-bas, l’homme et la femme subissent les événements et ne peuvent s’en remettent qu’à dieu, ou sinon à leur téléphone portable.
Désir et miracle
La seule échappatoire pour ces hommes et femmes réside alors dans l’amour (éternel, celui que l’on porte à sa femme et ses enfants) et surtout le désir, plus éphémère et transitoire. Très vite consommé – l’acte sexuel ne dure jamais très longtemps chez Faucon, le désir dépasse ou efface les frontières (sociétales et géographiques) : une Française avec un Sénégalais, un jeune marocain avec une prostituée algérienne. De cette rencontre avec l’altérité naît un sentiment de liberté qui, même fugace, semble être le propre de l’être humain.
L’économie des moyens mis en place par Faucon lui joue tout de même des tours ; certains acteurs non-professionnels ne parviennent pas à exprimer avec justesse des dialogues souvent peu inspirés, presque caricaturaux à l’image de ceux échangés par le couple français ou par la jeune fille avec son père algérien. Preuve que la performance saluée de Soria Zeroual – l’actrice non-professionnelle qui interprète Fatima et s’offre ici un petit cameo – avait quelque chose d’unique et de (très) rare. Heureusement, Moustapha Mbengue, qui incarne Amin, est du même acabit. De par sa présence physique et la profondeur de ses regards, il dégage une rudesse, une sensibilité et une sérénité qui contrastent avec nombreux de ses camarades de jeux. Il est pour ainsi dire séduisant sans jamais séduire, et tendre sans jamais être attendrissant. C'est peut-être cela le miracle du film.
Amin de Philippe Faucon, en salle le 3 octobre 2018. Ci-dessus un extrait du film.