Antebellum : l’horreur d’hier et d’aujourd’hui aux États-Unis

Antebellum : l’horreur d’hier et d’aujourd’hui aux États-Unis

AVIS / CRITIQUE FILM - Dans "Antebellum", Janelle Monáe incarne des femmes de deux époques différentes : une esclave torturée dans une plantation de Louisiane pendant la guerre de Sécession, et une brillante sociologue qui lutte activement contre le racisme de nos jours. Deux personnages au service d’un thriller horrifique au propos politique appuyé, du moins en surface…

Une intrigue mystérieuse et prometteuse

Antebellum s’ouvre sur un plan-séquence dépeignant une scène monstrueuse dans une plantation de coton. Alors que trois esclaves tentent de s’échapper de la propriété sudiste, ils sont rattrapés et torturés par le sadique capitaine Jasper. Avec cette introduction au ralenti, les réalisateurs Gerard Bush et Christopher Renz filment l’horreur avec une esthétique léchée. Si leur volonté d’appuyer leur style visuel est largement perceptible à travers cette ouverture, elle est justement trop prégnante et étouffe les émotions des personnages.

C’est d’ailleurs le problème majeur du long-métrage, qui n’arrive jamais à jouer sur la suggestion ou la subtilité alors qu’il se veut être une métaphore de la situation aux États-Unis, et surtout à donner suffisamment d’épaisseur aux protagonistes. La première partie réussit pourtant à susciter la curiosité et à installer le mystère autour de son héroïne.

Antebellum : Critique du thriller avec Janelle Monáe réalisé par Gerard Bush et Christopher Renz.

Réduite au silence par ses tortionnaires à l’image du reste des esclaves, Eden est terrorisée, mais semble mettre en place un plan pour s’en tirer. L’interprétation terrifiée de Janelle Monáe et la présence de plusieurs personnages détestables - à commencer par la propriétaire de la résidence coloniale incarnée par Jena Malone et le capitaine Jasper campé par Jack Huston - offrent des séquences efficaces et laissant présager une montée en puissance. De plus, Antebellum a l’audace de s’ouvrir sur une citation de l’écrivain William Faulkner annonçant un propos politique chargé, qui fait ouvertement écho à l’actualité :

Le passé ne meurt jamais. Ce n’est même pas le passé.

Beaucoup de bruit pour peu de fureur

Antebellum pêche dès lors qu’il s’écarte du passé pour revenir au présent. À notre époque, le film prend le point de vue de Veronica, une brillante sociologue qui milite pour enrayer le racisme systémique également interprétée par Janelle Monáe. L’activiste mène une vie de famille idyllique, qui va être perturbée par l’intrusion d’une mystérieuse chasseuse de têtes, incarnée par Jena Malone.

Dès qu’ils mettent le pied au XXIe siècle, les excès de Gerard Bush et Christopher Renz sautent encore plus aux yeux. À la suite d’une effraction dans une chambre d’hôtel par une femme fatale, où la réalisation stylisée reste en deçà des pires films de Brian De Palma, les réalisateurs ont bien du mal à combler l’ennui du spectateur avec des scènes de repas ou de selfies révélant leur incapacité à explorer le militantisme dont ils se réclament. Les dialogues sont poussifs, les interprétations criardes, et le scénario semble tout simplement inexistant.

Antebellum : Critique du thriller avec Janelle Monáe réalisé par Gerard Bush et Christopher Renz.

À l’inverse de John Carpenter ou de Jordan Peele, les cinéastes ne parviennent jamais à donner une utilité à l’horreur, qui n’est finalement pas présente. Les spectateurs en quête de sursauts ou de frissons risquent d’ailleurs d’être déçus. Antebellum est un film poseur qui se réapproprie une cause à laquelle il n’apporte absolument rien. L’élément principal du long-métrage - son twist - ne fait que confirmer la prétention de l’entreprise, tant il n’est qu’un pâle emprunt à un maître du suspense qu’il vaut mieux ne pas citer pour éviter tout spoiler. La prestation habitée de Janelle Monáe dès qu’Antebellum revient dans la plantation ne suffit pas à sauver le naufrage. Après ses performances remarquables dans Moonlight, Les Figures de l’ombre ou encore Bienvenue à Marwen, la comédienne et chanteuse méritait largement mieux comme premier rôle principal au cinéma.

Antebellum de Gerard Bush et Christopher Renz, en salle le 9 septembre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

La scène d’introduction et la performance habitée de Janelle Monáe dans la première partie d’« Antebellum » laissent espérer un thriller horrifique engagé. Mais les promesses ne sont hélas jamais tenues, en partie à cause d’un twist particulièrement décevant emprunté à un maître du suspense.

Note spectateur : 2 (1 notes)