CRITIQUE FILM - Après avoir vaincu Steppenwolf avec ses acolytes dans "Justice League", Arthur Curry revient avec "Aquaman" qui lui est consacré. Si le naufrage semblait assuré, James Wan, s'en sort finalement mieux que prévu grâce à une générosité débordante qui parvient presque à faire oublier les nombreux défauts de la production DC.
Il y a au milieu du film Aquaman, tandis que le super-héros voyage pour tenter de retrouver un trident ancestral lui permettant d’affronter son demi-frère, autoproclamé maître des océans et décidé à rentrer en guerre contre l’humanité, la voix du rappeur Pitbull qui se fait entendre. Sa chanson, Ocean to Ocean, qui compose une bande-originale pour le moins éclectique, en aura fait bondir plus d’un en utilisant des samples du morceau culte de Toto, Africa.
Pourtant, cette rencontre improbable et dommageable entre deux mondes musicaux est à l’image de ce que propose James Wan avec Aquaman. Un film capable de combiner le bon et le mauvais goût avec une aisance déconcertante. Un film de super-héros bâtard, à la limite du naufrage, mais finalement étonnamment jouissif.
Un pas en avant, un pas en arrière
Tout au long de ses deux heures et demi, Aquaman parvient à passer en un claquement de doigts d’une scène spectaculaire à une séquence risible, kitsch et de mauvais goût. C’est par exemple le cas avec l’excellente scène d’action en Sicile qui voit Arthur Curry (Jason Momoa) et Mera (Amber Heard) affronter des soldats d’Atlantis. Cette dernière est entrecoupée d’un passage romantique d’une ringardise considérable, à la limite de la parodie, et du réveil d’Arthur sur un bateau pendant que Mera lui joue de la flûte. On frôle alors le ridicule et le malaise.
Mais heureusement, il y a toujours l’assurance que la prochaine séquence permettra de repartir de plus belle. Justement, s’en suivra peu de temps après une nouvelle attaque durant laquelle James Wan peut enfin toucher (de loin) à l’épouvante. Un des rares tableaux dans lesquels le cinéaste peut inclure de sa personnalité - ce qui restera toujours plus que dans les précédentes productions super-héroïques : Patty Jenkins avec Wonder Woman suivait le cahier des charges de Zack Snyder, tout comme Ryan Coogler qui n’a finalement fait que ressortir la recette habituelle de Marvel et Kevin Feige avec Black Panther.
Aquaman, rapide et furieux
Il ne faut pas oublier que, s’il s’est révélé par le cinéma d’horreur (Saw, Incidious, Conjuring), James Wan est aussi passé par la case action bourrin avec Fast and Furious 7. Et c’est davantage de ce dernier que tient Aquaman. C’est malheureux au niveau de l’écriture, qui n’est pas d’une grande subtilité – en atteste un discours écolo balancé à la va-vite, et les blagues bien grasses -, mais pas forcément un mal dans les scènes d’action. Au contraire. Ces dernières s’avèrent spectaculaires, surtout lorsqu’elles se déroulent sur la terre ferme et en petit comité. James Wan pouvant utiliser alors l’espace plus aisément, ne lésine pas avec les mouvements de caméra et offre des combats au corps-à-corps et des courses poursuites efficaces. Des mouvements justement qui, tout en étant rythmés, laissent voir le déroulé de l’action, ce qui faisait justement défaut dans les dernières productions Marvel et DC.
Ces dernières offraient souvent l’illusion d’une action sensationnelle, mais à bien y regarder, l’ensemble était plutôt décevant, car peu visible et mal orchestré. Un problème qui venait également du traitement de l’image et des couleurs. Un défaut qu’a su en partie corriger James Wan sur Aquaman. Les couleurs, sur terre comme dans la mer, donnent enfin du relief et un sentiment de chaleur grâce à des contrastes plus marqués. Bien qu’étant encore loin de la perfection de productions d’il y a dix ans (Spider-man, The Dark Knight), il y a du mieux chez DC et Warner qu’il est important de noter.
Une générosité qui surnage
Mais là où Aquaman parvient vraiment à se démarquer, c’est en se montrant plus audacieux et généreux, quitte à se prendre parfois les pieds dans le tapis. Il suffit de le voir combiner avec tout un tas de genres et de références – sans non plus chercher les clins d’œil à outrance. On pense évidemment au Retour du roi en voyant Arthur Miller suivre une quête qui le mènera à accepter son rôle de roi des Sept Mers en dépit de sa moitié humaine, après avoir réussi une épreuve. Remplacez simplement le délicat et mystérieux Aragorn par une brute sans éducation à la limite de la beaufitude, et l’histoire n’est pas loin d’être la même.
James Wan parvient alors à insuffler au film quelque chose du genre du cinéma d’aventure, de la fantasy et de la science-fiction. Le Seigneur des anneaux pour l’affrontement final entre deux armées, Star Wars pour le monde sous-marin et la direction artistique, mais également un peu d’Avatar et d’une culture pop des années 1980 (dans la musique). Ce n’est pas toujours réussi, et même parfois grotesque, comme ce long baiser au milieu d’explosions filmé dans un mouvement à 360°. Le genre qu’on ne devrait plus s’autoriser depuis les années 1980, sauf en guise d’auto-dérision, ce qui ne semble pas être le cas ici. Certaines situations sont aussi amenées de manière calamiteuse, mais grâce à l’énergie insufflée dans cette production, on ressort avec le sentiment d’avoir enfin été sorti d’une zone de confort. Étant donné les propositions du moment, c’est suffisant pour qu’on se satisfasse d’Aquaman qui aura su en mettre plein les yeux sans trop nous brûler la rétine.
Aquaman de James Wan, en salle le 19 décembre 2018. Ci-dessus la bande-annonce.