CRITIQUE / AVIS FILM - De plus en plus de films sortent sur Netflix, que la firme américaine en soit directement le producteur ou simplement le distributeur. L'offre pléthorique et le système de recommandations propres au service font qu'on passe souvent à côté de pépites, ou en tout cas de films à voir. "At Eternity's Gate", qui nous offre une nouvelle vision de la vie Vincent Gogh, fait partie de ces longs-métrages à découvrir !
Raconter Van Gogh au cinéma a souvent été l'occasion de trouvailles esthétiques, comme si peindre la vie d'un peintre requérait, encore plus que d'habitude, de se distinguer visuellement des autres productions. Quand on pense au néerlandais sur grand écran, le Van Gogh de Maurice Pialat vient à l'esprit, tout comme, à la même époque, le segment du Rêves d'Akira Kurosawa, qui voyait brièvement Martin Scorsese (lui-même) dans la peau du peintre. Plus récemment, La Passion de Van Gogh reprenait des peintures du maître en animation.
L'éternité et un jour
Derrière ce nouveau long-métrage sur la vie du plus célèbre des peintres néerlandais - voir du plus célèbre des peintres tout court, on retrouve Julian Schnabel, auteur d'une poignée de films dont Le Scaphandre et le papillon. Pas étonnant que le cinéaste américain réalise un film sur Van Gogh : il est lui-même connu en tant que peintre.
At Eternity's Gate surprend par le nombre de noms connus qui figurent au générique, étonnant alors que le film est passé pratiquement inaperçu, noyé dans l'immense catalogue de Netflix. Co-écrit par Jean-Claude Carrière, on retrouve dans des rôles secondaires - voire des caméos pour la plupart, des acteurs tels qu'Oscar Isaac en Gauguin, Mads Mikkelsen en aumônier, ou encore Mathieu Amalric en ami du peintre. Tous jouent dans un anglais dans lequel vient parfois faire irruption quelques phrases françaises, histoire de rappeler dans quel pays l'histoire se déroule.
Esthétiquement, l'identité visuelle du film est affirmée dès le début. Scènes contemplatives en vue à la première personne, steadycam qui virevolte tout le temps, grands angles, tous les moyens sont mis en œuvre pour nous plonger dans la tête de Van Gogh. Un style parfois butoir, car il finit par être redondant, mais qui a le mérite d'aller jusqu'au bout de ses intentions. Surtout, la photographie de Benoît Delhomme est ravissante, lumineuse, et nous fait parfois oublier ce parti-pris de réalisation.
Autoportrait (à l'oreille bandée)
Difficile d'oublier Jacques Dutronc dans la peau de Van Gogh. Pour autant, la grande force du film de Julian Schnabel, c'est bel et bien son interprète principal, l'unique Willem Dafoe. Drôle de concept celui de choisir un acteur de plus de soixante ans pour incarner un artiste qui est mort l'année de ses trente-sept ans. Pourtant, l'illusion fonctionne. Il faut dire que Dafoe est un grand habitué des rôles de personnages hors-normes, pour ne pas dire "fous", des Spider-Man de Sam Rami à ses incursions chez Lars Von Trier. Ainsi, il ne semble avoir aucun mal à se plonger dans la peau du peintre à l'oreille coupée, paraissant parfois même plus fou qu'il ne le faudrait. Qu'importe, la magie opère.
Malgré cela, tout n'est pas parfait dans At Eternity's gate, loin s'en faut. On regrette ainsi que le film insiste trop souvent sur ses problématiques, racontant en voix-off ce que l'on voit déjà à l'écran. Et même si visuellement, la photographie est toujours impeccable, les procédés de mise-en-scène décrits ci-dessus vont être répétitifs, ce qui ajouté aux phases contemplatives va rendre le tout un peu trop long une fois que l'on a compris le procédé.
Le manque de communication autour du long-métrage nous fait deviner un film difficile à produire comme à distribuer. Sans être exempte de défauts, cette vision de la vie de Van Gogh - qui n'a pas pour visée d'être exacte -, a le mérite d'aller au bout de ses ambitions. Rien que pour cela, et pour son acteur principal, le film vaut le coup d'œil !
At Eternity's Gate est disponible sur Neflix. Découvrez la bande-annonce ci-dessus.