Au bout du monde : le mal du pays selon Kiyoshi Kurosawa

Au bout du monde : le mal du pays selon Kiyoshi Kurosawa

CRITIQUE / AVIS FILM - Avec « Au bout du monde », le cinéaste Kiyoshi Kurosawa délaisse le cinéma de genre et s’aventure hors du Japon. En suivant les pérégrinations d’une animatrice japonaise en tournage en Ouzbékistan, le réalisateur de « Cure » s’intéresse à des thématiques récurrentes dans son cinéma, à commencer par la solitude, le doute et la méfiance d’autrui, et offre au spectateur un voyage éprouvant mais lumineux.

Après un retour au film de fantômes (Vers l’autre rive), un polar axé sur un voisin flippant (Creepy) ou encore un thriller sur le mensonge (Le Secret de la chambre noire), Kiyoshi Kurosawa est de retour dans les salles obscures avec Au bout du monde.

Dans cette comédie dramatique, une présentatrice japonaise prénommée Yoko est chargée d’animer un documentaire sur l’Ouzbékistan. En proie à la solitude et en pleine perte de repères, l’héroïne traverse une période de doutes et sombre progressivement dans l’isolement…

L’errance et la solitude

La majeure partie d’Au bout du monde est dénuée de dialogues et dévoile les pérégrinations de Yoko. Durant les tournages de son émission et encore plus lorsqu’elle se retrouve seule, l’héroïne est en fuite, paralysée par la barrière du langage face à une culture qu’elle ne connaît pas. Sa soif de découverte se heurte à la peur de l’inconnu à travers la mise en scène extrêmement fluide de Kiyoshi Kurosawa.

"Au bout du monde" : Critique du nouveau film de Kiyoshi Kurosawa.

Le décalage entre les craintes de Yoko et les réactions toujours sereines de ses interlocuteurs, notamment lors d’une course-poursuite dans un bazar, prête souvent à sourire mais ne freine en aucun cas l’empathie pour le personnage. Le talent de Kiyoshi Kurosawa pour filmer ses protagonistes dans des environnements dépouillés, à l’image d’une chambre d’hôtel impersonnelle ou d’un théâtre vide, est intact. Grâce à cette maîtrise, le sentiment de solitude est sans cesse décuplé, à travers des séquences où l’inconfort, la gêne et le mal du pays sont palpables.

Un apaisement tardif

Si les longueurs d’Au bout du monde sont justifiées par l’errance permanente de Yoko, elles freinent parfois le rythme du film. Parfaitement conscient de ses effets de répétition, Kiyoshi Kurosawa évite la lourdeur en confrontant son héroïne à plusieurs situations salvatrices, qui l’aident à contempler enfin le monde qui s’offre à elle. La visite d’un lieu chargé culturellement, un dialogue avec un personnage confronté à la même solitude qu’elle et la peur de perdre un être cher s’avèrent en effet déterminants dans la prise de conscience de Yoko.

"Au bout du monde" : Critique du nouveau film de Kiyoshi Kurosawa.

Sa renaissance est tardive mais conclut ce parcours initiatique laborieux sur une note apaisée. Grâce à ce final onirique, les réserves vis-à-vis de Yoko s’envolent d’un coup, tout comme la détresse de cette dernière.

Moins captivant que Creepy, moins troublant que Le secret de la chambre noire et n’atteignant jamais la puissance émotionnelle de Vers l’autre rive, Au bout du monde souffre de quelques boursouflures. Le film n’en demeure pas moins un portrait saisissant d’un personnage en proie au doute et forcé de remettre en cause sa perception de la vérité, brillamment incarné par la popstar Matsuko Aeda (Avant que nous disparaissions).

 

Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa, en salle le 23 octobre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Avec « Au bout du monde », Kiyoshi Kurosawa distille lentement le mal-être de son personnage dans l’esprit du spectateur. En-deçà des récents films de son auteur, le long-métrage évite l’ennui grâce à une maîtrise formelle impeccable.

Note spectateur : Sois le premier