CRITIQUE / AVIS FILM - Dans "Ava", l’excellente Jessica Chastain incarne une tueuse d’élite qui se retrouve pourchassée par ses commanditaires. Un long-métrage où la comédienne fait preuve d’une implication sans faille, mais qui arrive un peu tard…
Ava : le retour de Jessica Chastain à l'action
Neuf ans après La Couleur des sentiments, qui lui avait valu d’être nommée aux Oscars une première fois, Jessica Chastain retrouve le réalisateur Tate Taylor. L'actrice endosse ici le rôle d’une tueuse professionnelle qui a la fâcheuse habitude de questionner ses cibles afin d’en savoir plus sur l’éthique de ses employeurs. Un comportement qui agace fortement ses commanditaires. Mise en garde par son mentor incarné par John Malkovich, l’héroïne se retrouve traquée par des assassins aussi talentueux qu’elle, dont l’un des chefs de son organisation interprété par Colin Farrell.
Doté d’une distribution prestigieuse, Ava était porté par de belles promesses, dont celle de voir Jessica Chastain faire une nouvelle incursion dans le film d’action, après de trop courtes apparitions dans le décevant L’Affaire Rachel Singer et une performance habitée dans l’excellent Zero Dark Thirty. Hélas, Tate Taylor ne réussit jamais à faire honneur au talent de la comédienne dans ce long-métrage fourre-tout qui n’ose prendre aucune véritable direction.
Marathon Woman
Ava souffre des mêmes défauts que La Fille du train et Ma, les précédents films de Tate Taylor, à commencer par son incapacité à dérouler une narration limpide et variée. Durant la majeure partie du long-métrage, les mêmes séquences se répètent. Après une première exécution qui en dit suffisamment sur l'héroïne pour intriguer, Ava voyage, retourne chez elle à Boston, avant de repartir pour un nouveau contrat, affublée d’une nouvelle perruque.
Alors que les longs-métrages sur les redoutables assassins pullulent ces dernières années, la trilogie John Wick en tête (mais on se souvient aussi de Piégée de Steven Soderbergh) Ava évoque davantage les années 90 et plus particulièrement Le Chacal, où Bruce Willis multipliait lui aussi les coupes improbables, guidé par des ellipses hasardeuses. Dès qu’elle met un pied aux États-Unis, la tueuse enchaîne inlassablement les footing, ou regarde simplement par la vitre de sa luxueuse chambre d’hôtel. Malgré l’implication totale de Jessica Chastain qui semble croire dur comme fer en son personnage, Tate Taylor ne parvient pas à donner la moindre épaisseur psychologique à son protagoniste, et ce malgré un passif chargé évoqué tout au long du film.
Le cinéaste n’arrive pas non plus à faire preuve d'inventivité dans les scènes physiques où, là encore, la comédienne se démène et effectue la plupart de ses cabrioles, d’après la cascadeuse Amy Johnston. Reste néanmoins un combat final au cours duquel la portée des coups se ressent enfin, et où l’actrice et Colin Farrell font preuve d’une cruauté à l’égard de l’autre bien différente de celle de Mademoiselle Julie, dans lequel ils se livraient déjà à un affrontement sans pitié.
Des ambitions dramatiques inabouties
À l’image de leur partenaire, Colin Farrell et John Malkovich sont eux aussi impeccables et font tout pour combler la pauvreté des dialogues dans quelques scènes. Leur présence renforce l’impression de potentiel gâché d’un film qui joue en permanence la carte du premier degré malgré son script creux. Ava met par exemple en avant une histoire d’amour impossible entre Jessica Chastain et Common, mais les émotions autour de cette idylle ne décollent pas. Tate Taylor offre par ailleurs le rôle de la mère de l’héroïne à la grande Geena Davis, mais les fans d’Au revoir à jamais n’auront malheureusement pas droit à une véritable scène de passation entre les deux stars.
Enfin, le passé de toxicomane de la tueuse était censé lui conférer une aura sombre et accentuer son côté autodestructeur, mais est traité en surface avec des plans au ralenti où la meurtrière vide les bouteilles d’un mini bar. En clair, les comédiens méritaient mieux, et les spectateurs aussi.
Ava de Tate Taylor, disponible sur Netflix le 1er décembre 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.