CRITIQUE FILM - Très attendu par les fans, "Avengers : Infinity War" avait un gros poids sur les épaules. Les avait-il assez solides ? Notre avis sans spoiler.
19 films, 10 ans d'existence, 22 héros, 1 méchant, 6 Pierres de l'Infini, un peu plus de 150 minutes... niveau chiffres, ceux de Marvel Studios et de Avengers : Infinity War sont affolants. Il faut dire que le long-métrage représente, avec sa suite attendue dans un an, la conclusion d'un MCU (Marvel Cinematic Universe) qui a promis de changer de visage par la suite. Il se devait donc, à bien des égards, être à la hauteur des attentes et faire taire les mauvaises langues qui prédisent la fin de l'ère des super-héros depuis plusieurs années, même si dans le second cas la bataille ne sera jamais gagnée.
Avengers : Infinity War tient-il toutes ses promesses ? Oui et Non. Cela dépendra finalement de votre vision de la franchise Marvel au bout d'une décennie de films plus ou moins réussis. Explications.
Thanos, méchant remarqué et remarquable
Ne nous y trompons pas, la vraie plus-value du film ne se trouve pas dans cette pluie de super-héros en veux-tu en voilà, mais dans son vilain, celui que l'on nous tease depuis maintenant 6 ans et la scène post-générique du premier Avengers : Thanos. Car au bout de 18 films et presque autant d'ennemis, Marvel faisait preuve du même défaut : des méchants lambda qui n'auront jamais constitué une menace crédible pour nos héros. Même Loki, adversaire régulier pendant une décennie ne représentera jamais vraiment un danger. Avengers réglait d'ailleurs très bien la question lors de la rencontre entre le dieu de l'espièglerie et Hulk. Quant à Ultron, on n'en parle même pas.
Mais Thanos est arrivé et, dès les premières minutes, nous fait ressentir ce qu'on croyait ne jamais vivre au sein du MCU : la sensation que notre équipe est en danger de mort. La puissance colossale de Thanos, absolument pas minimisée, entraîne enfin des conséquences sur un univers jusqu'ici adepte du happy ending. Infinity War se regarde ainsi d'un autre œil, on se sent plus tendu lors des affrontements car on sait que non, cette fois ça ne se finira pas bien.
Il serait réducteur d'envisager Thanos comme un simple destructeur égoïste. Pour le coup, le Titan fou est de loin le personnage le plus travaillé de Infinity War. Tout d'abord on saluera le travail de motion capture tant le regard de Josh Brolin apporte beaucoup au personnage. Ensuite, il y a un vrai développement autour de lui, de ses objectifs. S'accaparant presque toutes les scènes les plus fortes, il démontre d'une vraie émotion qui provoque par moment de la sympathie pour ce géant violet. Au fond, cet Avengers 3 abandonne le manichéisme habituel pour nous livrer une opposition de conviction.
Le trop est-il l'ennemi du bien ?
Offrir la plus grande exposition à Thanos entraîne l'effet inverse sur les 22 super-héros qui lui partagent l'affiche. Si chacun aura sa scène, tous ne bénéficient pas du même traitement et là où Avengers brillait par son équilibre (mais ils n'étaient que 6), ce nouvel opus enchaîne les faire-valoir. Conséquence directe : un déséquilibre émotionnel où on s'attristera d'un côté, et on baillera poliment de l'autre. Alors on le sait, cela dépendra surtout de comment se finira l'histoire dans Avengers 4, mais en attendant, on reste un peu sur notre faim.
On peut faire le même constat au niveau du scénario en règle général avec cette impression de répétition dans le schéma narratif et cette construction qui prend parfois l'aspect de saynètes plus ou moins intéressantes. Entre l'arc Thor et celui de Captain America, on aura ainsi plus d'une fois deux salles, deux ambiances. Une maladresse qui peut entraîner quelques longueurs.
Autre point noir, mais qui était quasiment inévitable : l'humour. Celui-ci fait partie de la recette Marvel depuis les débuts et on peut même dire qu'il est l'une des raisons de son succès. Sauf que Infinity War n'est pas un Marvel habituel et que si certaines blagues fonctionnent plutôt bien, dans ce contexte de désastre imminent de nombreuses vannes auront tendance à totalement nous sortir du climat tendu que le film veut instaurer. Montrant un profond désir de se porter vers l'avenir, le MCU échoue encore à s'émanciper du passé.
Un MCU pas vieux, mais expérimenté
Pour sa défense, il faut dire que sa formule magique d'univers lié – que de nombreux studios cherchent à copier sans y parvenir - a fait ses preuves et qu'il trouve en Avengers : Infinity War son paroxysme. Certes, comme nous l'avons écrit plus haut, les 22 super-héros ne sont pas tous logés à la même enseigne. Mais il est indéniable qu'ils s'intègrent tous naturellement dans ce long-métrage. La plus grosse crainte de voir une succession de personnages sans véritable liant n'a ainsi pas lieu d'être tant on observe ici l'exemple parfait de ce que Marvel Studios construit depuis dix ans : une franchise cohérente.
Il suffit de voir Thor avec les Gardiens ou Spider-Man avec Doctor Strange, et ça sans s'en étonner une seule seconde, pour comprendre la force d'une écurie qui a posé ses fondations petit à petit sans se précipiter. Qu'on aime ou non le style, la réussite de l'entreprise est incontestable sur ce point et elle se voit à l'écran. Les esprits des différents réalisateurs qui sont passés par le MCU ces dernières années ont été respectés par les Russo qui imbriquent le tout en y incorporant leurs propres idées.
Et si la mise en scène se veut un peut brouillonne par moment, notamment à cause de l'abus de CGI, on doit bien admettre qu'en terme de divertissement, Marvel a fait ses preuves et signe ici un coup d'éclat. On a beau lui trouver des imperfections, ce n'est rien à côté de l'immense plaisir que cette réunion géante provoque, de voir ce rêve de gamin lecteur de comics prendre vie sur grand écran. L'ère des super-héros finira sûrement un jour, mais une chose est sûre : ils ne se rendront pas sans combattre.
Avengers : Infinity War des frères Russo, en salle le 25 avril 2018. Ci-dessus la bande-annonce.