Battle of the Sexes - Notre avis

Dans « Battle of the Sexes », les réalisateurs de « Little Miss Sunshine » mettent en scène un match de tennis mixte comme la représentation de la guerre des sexes dans notre société et érigent, au passage, le succès comme seule solution à l'égalité.

En 1972, Bobby Riggs (Steve Carell), ancien numéro un mondial à la retraite, ne sait plus quoi faire pour tuer le temps quand lui vient une idée de génie, qui pourrait à la fois assouvir son addiction au jeu et lui redonner une place médiatique (et, au passage, lui rapporter une grosse somme d'argent) : demander un match d'exhibition contre l'une des championnes de tennis féminin. De l'autre côté, Billie Jean King (Emma Stone), la star du tennis féminin forte de trois Grand Chelem et personnage principal de ce Battle of the Sexes, mène un combat pour l'égalité de salaire entre femmes et hommes dans le tennis et découvre, parallèlement, son homosexualité en fréquentant Marilyn Barnett (Andrea Riseborough), une jeune coiffeuse qui l'accompagne.

Pris de court

L'idée de Battle of the Sexes est assez simple : retranscrire l'éternelle guerre des sexes par le prisme de ce match de tennis mixte et historique entre l'humble championne Billie Jean King et le provocateur macho Bobby Riggs. Outrepassés les portraits très caricaturaux des deux protagonistes (d'un côté Billie Jean King, parfaite, humble et déterminée, de l'autre Bobby Riggs, machiste, misogyne et prétentieux), ce match aurait pu être un bon moyen d'évoquer, simplement, l'inégalité hommes/femmes absurde qui sévit dans le monde du sport. Simplement, le film sert dans le filet à de trop nombreuses reprises et à propos des trop nombreux sujets de société qu'il a voulu maladroitement aborder par le biais d'un simple match en trois sets. Le duo de réalisateurs Valerie Faris et Jonathan Dayton (derrière Little Miss Sunshine), trop gourmand, a voulu attribuer à ce match beaucoup trop de combats qui le dépassent.

Battle of the Sexes - Notre avis

Cas d'école

Battle of the Sexes cumule ainsi plusieurs histoires parallèles qui s'imbriquent assez mal les unes entre les autres : la romance homosexuelle entre Billie Jean King et Marilyn Barnett, son combat pour l'égalité salariale, sa rivalité avec Margaret Court, sa relation avec son mari Larry King, mais aussi l'addiction au jeu de Bobby Riggs, la place des sponsors dans le sport ou encore, plus simplement, le tennis. Le film veut trop en faire : contenter tout le monde histoire que personne ne manque de pain à se mettre sous la dent. Et dans le même temps, le film n'explore aucun de ces sujets à fond. Trop sage, trop lisse, voire trop complice avec une misogynie outrancière vue dans le film comme une simple excentricité humoristique de l'époque, Battle of the Sexes se perd dans un trop-plein de bonne volonté.

Battle of the Sexes - Notre avis

Méprise du looser...

Mais le principal défaut du film vient surtout du fait que la reconnaissance de la femme n'arrive que par son succès : Billie Jean King est portée aux nues et respectée car elle a battu "l'homme". Quel message cela donne-t-il aux minorités, quelle qu'elles soient (les femmes, mais aussi les minorités raciales, les étrangers, les handicapés, etc) ? Qu'il faut, pour être respectée par le mâle alpha qui vous défie, le battre à son propre jeu ? Qu'il faut, pour être reconnue comme égale à l'homme, être une championne dans sa propre catégorie ?

Battle of the Sexes, comme beaucoup d'autres films sportifs américains (La Couleur de la victoire, Goal, etc), envoie ainsi ce vicieux message selon lequel pour être reconnu dignement dans la société, il faut vaincre et gagner. L'échec de Margaret Court dans son match perdu face à Bobby Riggs et l'humiliation que cela procure à ses collègues joueuses démontre bien cette idée. Court n'est même pas félicité pour avoir relevé le défi malgré la défaite et est même reléguée à son rang de mère au foyer : dans cette méritocratie abjecte, pas de place pour les loosers.

... Dans un film ordinaire

L'autre gros problème réside dans l'incapacité du film à retranscrire une quelconque force de frappe sociétale et féministe. Car quand bien même il le serait vraiment (féministe, militant, toute étiquette qui serait possible de lui coller à première vue), Battle of the Sexes est, au contraire de l'histoire qu'il souhaite décrire et mettre en scène, d'un consensuel fade et lisse, franchement inoffensif, sans impact ni cachet. Le film s'article comme un petit biopic événementiel anodin, académique et souvent inintéressant, bourré de bons sentiments. Musique omniprésente, acteurs qui font le job, réalisation transparente pour que l'on ne voit que le récit, bref : cahier des charges rempli, merci, au revoir, au suivant.

 

Battle of the Sexes de Valerie Faris et Jonathan Dayton, en salle le mercredi 22 novembre. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Objectif raté pour "Battle of the Sexes" : le caractère exceptionnel du match au centre du film devient aussi vite oubliable que le film lui-même, d'un académisme soporifique et inoffensif.

Touche le fond

Note spectateur : Sois le premier