CRITIQUE FILM - Parler de drogue au cinéma n'est pas chose aisée. Peter Hedges choisit de le faire à travers le portrait d'un adolescent en pleine cure de désintoxication, qui décide de venir passer Noël avec sa famille, à la grande surprise de sa mère. Un pari gagnant.
Si Peter Hedges situe l’action de Ben is Back à la période de Noël, ça n’est pas pour rien : la fin du mois de décembre est propice aux retrouvailles familiales, à l’apaisement des tensions, aux souvenirs partagés. C’est le moment que choisit Ben (Lucas Hedges), un adolescent toxicomane en pleine cure, pour revenir dans sa famille, à la grande surprise de ses proches, à commencer par sa mère, Holly (Julia Roberts).
Ode to my Family
Contrairement à My Beautiful Boy de Felix van Groeningen qui traite du même sujet et qui couvre une période de plusieurs années, l’action de Ben is Back se déroule sur à peine deux jours. Il ne s’agit pas pour Peter Hedges de montrer le basculement de l’adolescent dans la drogue, mais plutôt de s’intéresser à l’après, à la période charnière du sevrage, et de ses répercussions sur l’entourage du drogué. Le passé de Ben, nous le découvrons par petites touches : une seringue oubliée dans le grenier, la méfiance quasi constante de ses proches vis-à-vis de ses affirmations, ses anciennes connaissances croisées au détour d’une rue.
La scène d’introduction - celle des retrouvailles - fait preuve d’une très grande force émotionnelle tant elle canalise toute la difficulté pour une mère de vivre avec un fils toxicomane : elle ne peut s’empêcher d’être bouleversée par son retour, tout en sachant pertinemment qu’une telle démarche pourrait lui être fatale.
Comme Felix van Groeningen avec My Beautiful Boy, Peter Hedges a choisi de mettre en scène une famille américaine typique de banlieue, à l’image de celles que l’on voit dans les sitcoms. Une manière de signifier que le fléau de la drogue ne se situe pas seulement dans les quartiers pauvres, mais touche toutes les populations. Le charmant pavillon familial, d’ordinaire symbole de bonheur familial partagé, se transforme ici en véritable parcours du combattant : le moindre objet du quotidien pourrait déclencher une crise chez l’adolescent, ce qui contraint ses proches à toujours avoir une longueur d’avance sur ses actions. D’ordinaire synonyme de repère lors des périodes charnières de la vie, et en particulier à l’adolescence, le cocon familial n’est plus un refuge pour Ben, mais une tentation de tous les instants, qu’il va devoir combattre.
Ben is Back, et Julia aussi
On ne va pas se mentir. Si Ben is Back mérite le détour c'est avant tout pour son duo d'acteurs saisissant. De mémoire, nous n'avons pas le souvenir d'avoir vu Julia Roberts aussi bouleversante dans un rôle. Bien sûr, elle a marqué les esprits dans Erin Brockovich de Steven Soderbergh, mais la fragilité et l'émotion qui se dégagent de son interprétation dans Ben is Back sont inédites. Elle parvient, en un seul regard, à faire ressentir au spectateur le combat d'une mère démunie face à la toxicomanie de son enfant. Alors que le rôle d'Holly, tiraillée entre l'envie égoïste de garder son fils auprès d'elle, et le désir de le voir retourner en cure de désintoxication pour son bien, aurait pu facilement sombrer dans le pathos, Julia Roberts, grâce à une interprétation toute en finesse, réussit à le rendre bouleversant. Si elle n'a plus rien à prouver, le fait qu'elle parvienne encore à subjuguer à l'écran, rappelle, si l'on en doutait encore, qu'elle fait partie des très grandes actrices de l'histoire du cinéma.
Face à elle, on retrouve le jeune Lucas Hedges, que l'on avait déjà croisé dans Manchester by the Sea. Lui aussi offre une prestation bouleversante dans la peau de l'adolescent toxicomane. Si la première partie du film s'attarde sur la famille au complet, l'étau se resserre dans la deuxième pour ne se consacrer presque uniquement au duo mère/fils. Il était donc indispensable de réussir à convoquer deux acteurs capables de tenir la baraque. Leur dernière scène, qui vient conclure une dernière partie émotionnellement riche, promet de marquer les esprits.
Ben is Back de Peter Hedges, en salle le 16 janvier 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.