CRITIQUE / AVIS FILM - Avec « Birthday » Lee Jong-un signe un premier long-métrage sensible sur le deuil d’une famille et d’une nation, en lien direct avec le naufrage du Sewol en 2014.
Après avoir collaboré avec Lee Chang-dong, réalisateur du récent Burning, Lee Jong-un a décidé de se lancer dans son premier long-métrage avec Birthday – son premier court-métrage, Farewell, date néanmoins de 2000. Dedans, elle traite la question du deuil avec beaucoup de délicatesse et de retenue, et trouve par son style, bien que moins contemplatif, des similitudes avec le cinéma de son aîné, qui produit pour l’occasion son film.
Ici, il est question de la mort d’un jeune garçon qui a brisé une famille. Jung-il, le père, revient après des années passées à l’étranger. Il retrouve alors sa femme, Soon-nam, et leur fille Ye-sol. Des retrouvailles compliquées et peu chaleureuses. Ye-sol, encore jeune, n’a finalement que peu de souvenir de son père qu’elle n’avait plus vu depuis longtemps. Et on sent bien qu’entre Jung-il et Soon-nam, quelque chose n’est pas réglé. C’est évidemment leur deuil qu’ils n’ont pas encore fait et qui empêche toute communication entre eux. Ainsi qu’une culpabilité commune de ne pas avoir été suffisamment présent pour leur fils, avant comme au moment du drame.
Intelligemment, Lee Jong-un développe son récit par deux points de vue. Celui du père et celui de la mère. En les suivant l’un et l’autre dans leur reconstruction, tandis que l’anniversaire de la mort de leur fils approche, elle dévoile avec délicatesse leurs émotions respectives et les fantômes ou regrets qui continuent de les hanter. Ceux-ci se traduisant par une lumière qui ne cesse de s’allumer, par le besoin de Jung-il de mettre un tampon sur le passeport de son fils, par les achats de Soon-nam faits pour son fils... Ou de manière plus évidente, avec les derniers messages de son fils que lit Soon-nam. De plus, par de petites touches, la réalisatrice laisse poindre un certain malaise devant l’intrusion d’éléments extérieurs dans ce cocon familial, et plus précisément dans la maison où l’essentiel du film se déroule. Et par le biais de la jeune Ye-sol, innocente mais victime des événements, ce sont les angoisses de tout un chacun qui sont révélées.
Enfin et surtout, la cinéaste évoque, sans le nommer directement, le naufrage du Sewol. En 2014, un ferry transportant principalement des lycéens a chaviré. 304 passagers et membres d'équipage ont péri ce jour-là. Ainsi, avec Birthday, le deuil que doivent faire ces deux parents et aussi le deuil de la nation. Cet événement ayant particulièrement marqué en Corée. Et le refus de la mère de participer à l’anniversaire de la mort de son fils, devient l’incapacité de tous à se réparer et à avancer. Des autres familles des victimes aux anciens camarades de leur fils. On ne peut alors qu’être saisi devant la sensibilité qu’a Lee Jong-un à filmer une douleur intérieure et universelle. Tout en prônant un devoir de mémoire nécessaire pour avancer. Dommage tout de même de voir la réalisatrice basculer, dans les dernières scènes du film, dans le tire-larmes, plutôt que de poursuivre vers une tendre mélancolie, vers l’émotion subtil qui guide pourtant Birthday tout du long.
Birthday de Lee Jong-un, présenté lors du 14e festival du film coréen à Paris. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.