CRITIQUE FILM - Pour son nouveau film "Blanche comme Neige", la réalisatrice Anne Fontaine décide de convoquer l'imaginaire et de briser les codes du conte traditionnel, en délivrant une fresque burlesque et engagée. Fascinant.
Il était une fois... Blanche-Neige, mais comme vous ne l'avez jamais vue. Il faut le dire, on ne s'attendait pas à une telle surprise, venant de la réalisatrice de Les innocentes et Marvin ou la belle éducation. Éclectique et insaisissable, le cinéma d'Anne Fontaine a aussi toujours été à part, unique - un peu comme l'auteure. Avec Blanche comme Neige, la cinéaste s'empare d'un classique - Blanche-Neige et l'univers qui gravite autour ; les sept "nains", la pomme empoisonnée... - mais le plonge dans une marmite de modernité, le fait bouillir. Au casting édifiant (Isabelle Huppert, Lou de Laâge, Vincent Macaigne, Charles Berling, Pablo Pauly, Richard Fréchette, Jonathan Cohen, Benoît Poelvoorde...), le film s'éloigne du conte traditionnel dans le fond, en évoquant toutefois des principes bien connus dans sa forme. Trois parties - comme trois chapitres d'un livre - sectionnent le long métrage et ajoutent à la fantaisie tant convoitée par la réalisatrice.
Sulfureuse éducation
Claire (Lou de Laâge, parfaite dans le rôle) survit à une tentative de meurtre orchestrée par sa belle-mère redoublement jalouse, Maud (Isabelle Huppert). Après s'être faite capturer mais finalement libérer, elle se retrouve dans un village brumeux, creusé dans la montagne. Là-bas, elle y éveillera les folies et les passions de sept hommes (tiens tiens). Au fil des relations, passionnelles et sexuelles (le tout dans un laps de temps, il faut le dire, très court), Claire se découvre une nouvelle âme. Elle s'émancipe d'elle-même, de ses propres désirs, de ses propres choix. Un choix minutieux de la part d'Anne Fontaine, qui avait aussi pour but de déconstruire le modèle patriarcal, dressant les portraits d'hommes empreints de faiblesses. Elle l'explique très bien dans le récent entretien qu'elle nous a accordé :
Je voulais que ces hommes aient chacun leur fragilité, qu’ils n’abordent aucun cliché de la gent masculine. J’ai fusionné tout cela avec l’idée du conte, pour avoir ce rapport à l’imaginaire collectif. Mais tout ceci pour finalement déjouer ce parti-pris, pour moderniser l’image du prince charmant.
Ainsi, Blanche comme Neige aborde autant les thèmes du thriller (l'intrigue entourant le personnage de Maud et son envie imparable de se débarrasser de la jeune femme) que le film sensuel. Et le décor y est pour beaucoup.
Nature vivante
Le village, maintenu dans le temps (ou bloqué dans une autre réalité ?) n'attend que Claire. C'est elle qui y donne finalement de la vie, qui y apporte de l'amour, de l'affection. Là-dessus, Anne Fontaine a décidé de convoquer une nouvelle fois l'idée du conte, en apportant de la vie à la nature ambiante. Des écureuils observateurs, un sanglier immortel, un chien remarquablement humain... La faune comme la flore s'offrent enfin une nouvelle santé avec la venue de la jeune femme. Le spectateur, quant à lui, respire le grand air et profite de cette légèreté. Et lorsque les choses se corsent, que le danger vient retrouver Claire pour l'arracher à son bonheur, on a peur pour elle. Une implication personnelle qui ne peut qu'être une preuve que le film, aussi étrange, décalé et fantaisiste soit-il, est avant tout une grande réussite.
Blanche comme Neige de Anne Fontaine, disponible en salle le 10 avril 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.