CRITIQUE / AVIS FILM - Dans "Blue Bayou" un homme qui a passé trente aux Etats-Unis risque soudain l'expulsion. Un drame porté par Justin Chon, Alicia Vikander, Linh-Dan Pham et la jeune Sydney Kowalske.
Blue Bayou ou le basculement d’une vie
Blue Bayou raconte l’histoire d’Antonio LeBlanc, né en Corée mais adopté à l’âge de trois ans. Il a passé plus de trente ans aux États-Unis, a épousé Katy (Alicia Vikander), considère Jessie, la fille de celle-ci, comme la sienne, et attend un enfant avec sa femme. Il est Américain, du moins c’est ce qu’il pense. Après une altercation avec deux policiers, dont l’un est l’ex de Katy, il se retrouve au poste, avant d’être renvoyé auprès du service de l’immigration qui le considère comme un étranger.
En effet, il risque d’être expulsé du pays car ses parents n’avaient jamais régularisé sa situation lorsqu’il était enfant. Une absurdité pour son cas et celui de nombreux autres, mais un moyen pour le service d’immigration d’expulser par milliers. Sa seule solution pour rester sera alors de prouver son utilité à la société.
Un film émouvant
Réalisé par Justin Chon, qui interprète le premier rôle, Blue Bayou est un drame intime qui ne lésine pas sur l’émotion. Il y a avant tout l’émotion de voir Antonio faire au mieux pour sa famille, après avoir eu un passé de petit délinquant marqué par deux arrestations. L’émotion également lorsque le réalisateur place sa caméra dans le cercle familial, avec Katy et Jessie. C’est là que Justin Chon dévoile au mieux sa sensibilité.
Quand Jessie fait part de ses craintes d’être à nouveau abandonnée par la figure paternelle que représente Antonio. Quand Katy fait part de son désespoir à son époux qui, de son point de vue, ne met pas toutes les chances de son côté pour éviter une expulsion. Et donc évidemment quand Antonio voit son monde s’écrouler.
Et de nombreuses thématiques
Justin Chon aurait pu se contenter de la situation de départ comme déclencheur d’émotion. Mais à vouloir raconter plus, il donne parfois le sentiment de rajouter des couches pour s'assurer de notre émotion. On verra Antonio subir une forme de discrimination, se confronter à sa mère adoptive ou encore se faire passer à tabac avant un final qui, à lui seul, comporte plusieurs retournements de situations. Ce qui n’empêche pas cette séquence d’être déchirante. Difficile d’ailleurs de ne pas verser quelques larmes devant, principalement grâce à la jeune Sydney Kowalske (Jessie).
De plus, on se doit de noter le développement intelligent du père biologique de Jessie. Ce dernier est en conflit avec Katy pour voir sa fille. On comprend certes le point de vue de son ex-compagne, et même de sa fille qu’il a abandonnée des années auparavant, mais également l'envie légitime de ce père de se racheter et d’être présent désormais.
Il y a enfin la présente d'un dernier personnage qui a son importance, une femme d'origine vietnamienne qui se lie d'amitié avec Antonio. Là encore le cinéaste aurait pu faire preuve de davantage de simplicité, et il n'était peut-être pas si nécessaire d'ajouter à cette protagoniste, très bien portée par Linh-Dan Pham, un cancer en phase terminal. Un choix qui trouve tout de même son intérêt dans des idées visuelles. Le réalisateur parvenant à proposer des plans notables, principalement en extérieur en laissant ses interprètes (et lui-même) agir au naturel. Ou lors de flashbacks oniriques sur la mère biologique d’Antonio. Une manière de pousser un peu plus son questionnement sur la parentalité, l'abandon et la construction d'une identité.
Blue Bayou de Justin Chon, en salle le 15 septembre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.