CRITIQUE / AVIS FILM : Alors que « Bluebird » devait initialement sortir au cinéma, il devra finalement se cantonner à une sortie directement en VOD, à cause du Covid-19. Réalisé par Jérémie Guez, découvrez cet excellent polar !
Son nom ne vous dit peut-être rien, mais Jérémie Guez est un scénariste et écrivain français assez influent. Il a notamment signé les scripts des récents La Terre et le Sang et La Nuit a dévoré le Monde. Cette fois, avec Bluebird, il passe derrière la caméra pour sa première réalisation. Pour l'occasion il réunit Roland Moller, Lola Le Lann et Veerle Baetens dans un thriller passionnant. Bluebird raconte comment un ancien taulard va devoir se réadapter à la vie normale. Il se lie rapidement d'amitié avec la fille de sa logeuse. Quand celle-ci se fait agresser, tout va de nouveau déraper.
Un polar immersif totalement maîtrisé
Bluebird est un film globalement assez simple. Jérémie Guez ne sort pas des sentiers battus et n'apporte rien de bien nouveau au genre. Mais il s'immisce dans celui-ci avec une maîtrise remarquable. Même si le film n'innove pas, il fonctionne à la perfection. Il dresse une figure masculine imposante via le jeu épuré de Roland Moller. Ce dernier est renversant de justesse et de subtilité dans le rôle de cet ancien taulard. Il apporte une profondeur étonnante à son personnage avec très peu de mots et d'expressions. Un jeu tout en retenu qui sied parfaitement à ce film qui ne dérape jamais dans la surenchère, l'excessivité ou l'ostentatoire.
Pas d'effusion, pas d'exubérance, Bluebird s'ancre en permanence dans un réalisme volontaire. Jamais l’œuvre ne dévie vers le film d'action barbare, il reste sur sa position, droit dans sa ligne conductrice, qui dépeint simplement la réinsertion d'un ancien taulard prêt à tout perdre pour protéger une adolescente. En cela, Bluebird rappelle parfois Taxi Driver. À la fois dans la représentation de la figure protectrice, celle d'un homme désabusé et un peu à côté de ses pompes, et à la fois dans la relation entre les deux générations. Mais la comparaison s'arrête là, tant l'approche de Jérémie Guez est beaucoup plus en retenue que celle de Martin Scorsese.
Les codes classiques du thriller
Bluebird est à l'image de son héros. Un homme à la force tranquille, un colosse fragile, un danger mystérieux, à la fois rassurant et inquiétant. Roland Moller est imperturbable dans ce rôle sur mesure. Même si Bluebird ne s'éloigne jamais des codes classiques du thriller, et ne propose finalement rien de bien surprenant dans son histoire, c'est un film séduisant. Attractif grâce à son côté très épuré, que ce soit dans l'écriture, les dialogues, la direction artistique ou dans la mise en scène. Une uniformisation de ton et de forme qui donne une véritable logique et une puissante force de frappe au film.
Le long-métrage emprunte également aux films de vengeance, surtout dans sa deuxième partie. Un choix logique, mais encore une fois attendu. Mais finalement, l'intérêt premier du métrage, c'est la représentation du personnage de Roland Moller. Cet ancien taulard fait l'effet d'un coup de tonnerre. C'est un éclair rapide dans le quotidien d'une mère et de sa fille. Une apparition furtive, presque invisible, presque fantasmagorique. Une figure paternelle de substitution, une ombre qui passe et change la vie des autres personnages. Une fulgurance, un éclat court et intense, une étincelle qui s'éteint dans la lumière et le silence. Et c'est en ça que Bluebird passionne.
Bluebird de Jérémie Guez en VOD dès le mardi 16 juin 2020. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez toutes nos bandes-annonces ici.