AVIS / CRITIQUE FILM - 19 ans après "Au nom d'Anna", Edward Norton repasse derrière la caméra avec "Brooklyn Affairs". Le comédien incarne également le premier rôle de ce polar aussi rythmé qu’envoûtant, celui d’un détective atteint du syndrome de Gilles de la Tourette qui s’aventure dans une ville gangrenée par la corruption.
Brooklyn, années 50. Lionel Essrog, un détective privé atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, voit son mentor Frank Minna se faire abattre sous ses yeux. Le détective se lance à la recherche de ses meurtriers, en se plongeant dans une enquête qui l’emmène dans des lieux dangereux, qu’il s’agisse de nightclubs remplis d’individus louches ou des hautes instances new-yorkaises. En plus d’offrir une reconstitution impeccable, regorgeant de plans magnifiques sur un New York brumeux, Brooklyn Affairs est un véritable coup de maître en termes de narration, sans temps mort, et qui fait la part belle à ses superbes personnages.
Une intrigue fumeuse mais passionnante
Brooklyn Affairs a été comparé, à juste titre, au monument du film policier qu’est L.A. Confidential. Si le New York des années 50 n’a pas grand-chose à voir avec le Los Angeles de la même époque, et que Brooklyn ne ressemble en rien à Hollywood, les deux longs-métrages partagent la même capacité à dérouler une intrigue fumeuse, que Raymond Chandler n’aurait pas reniée, sans jamais perdre leurs spectateurs.
À l’instar de Curtis Hanson, Edward Norton donne le ton dès l’ouverture. Ce qui devait être une simple transaction se transforme en meurtre d’un détective chevronné interprété par Bruce Willis - excellent malgré ses courtes apparitions -, auquel insiste impuissant son poulain incarné par le réalisateur et comédien. D’abord porté par le désir de vengeance, Lionel Essrog se lance ensuite dans une histoire qui le dépasse, dans laquelle viennent s’imbriquer de nombreux personnages secondaires tous parfaitement développés. En révéler davantage sur ces derniers risquerait de gâcher le plaisir.
Depuis le fabuleux Inherent Vice de Paul Thomas Anderson, jamais une enquête n’aura été aussi captivante et envoûtante au cinéma. Brooklyn Affairs ressemble à un tourbillon de jazz dans lequel on se laisse emporter sans vraiment savoir ce qui nous attend, tout en restant bouche bée face à l’harmonie et la créativité de l’orchestre, dirigé d’une main de maître par Edward Norton.
La conscience individuelle comme moteur
Le fait que le héros soit atteint du syndrome de Gilles de la Tourette n’est en rien un artifice faussement singulier dans Brooklyn Affairs, et offre au contraire une véritable profondeur au récit. Le handicap met sans cesse le détective face à lui-même, et le force à combattre une nature pourtant immuable.
C’est d’ailleurs ce que lui explique le jazzman incarné par le génial Michael Kenneth Williams, qu’il rencontre par hasard - même si le hasard n’a pas vraiment sa place dans cette histoire - dans un club. Comme lui, le musicien est submergé par ses pensées, ses émotions, et cogite en permanence. Leur dialogue, sans doute l’un des plus beaux passages du film, résume à merveille la nature obsessionnelle de Lionel et sa volonté.
La surabondance de sentiments est-elle un don ou une malédiction ? C’est la principale question, formulée par le jazzman, qui tourne autour de Lionel durant tout le long-métrage. À la fin, la réponse apparaît comme une évidence, même si toutes les batailles n'ont pas été remportées et que la vérité ne triomphe pas toujours, du moins pas entièrement. Le plan final, d’une douceur extrêmement réconfortante, sonne comme un point d’orgue qui ne fait que renforcer l’attachement que l’on porte au détective. Rien que pour son dernier acte magnifique durant lequel tous les enjeux retombent de façon magistrale, il serait dommage de manquer Brooklyn Affairs.
Brooklyn Affairs, en salles le 4 décembre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.