Séduisant à première vue, "Call me by your name", que Luca Guadagnino décrit comme « le plus calme » de ses films, parvient à peindre le désir avec une étonnante intensité ; il contient toutefois d’irritantes longueurs et une forme de préciosité semant l’ennui.
Adaptation du roman américain d'André Aciman (2007), Call me by your name se présente comme le troisième volet de la trilogie du désir de Luca Guadagnino, après I am Love (2009) et A Bigger Splash (2015), remake de La Piscine de Drayer. De ce point de vue, le film est plutôt très réussi dans sa peinture du désir naissant puis dévorant d’Elio, un très jeune homme incarné par Thimothée Chalamet, pour Oliver, un archéologue de 24 ans, interprété par Armie Hammer.
Le film saisit bien l’intensité de leur attraction, sans fuir devant les défis d’adaptation que pose le roman. Notamment l’épisode juteux de la pêche dont tous les lecteurs d’André Aciman se souviennent. Une scène complexe, à la fois drôle, grotesque et touchante, qui ne tombe pas dans la grossièreté gratuite ou l'obscénité derrière la caméra de Guadagnino. Leur relation, baignée du soleil de l’Italie, se déploie avec sensualité tout au long du film, qui semble moins traiter d’homosexualité que de l’éveil du désir et de la sexualité adolescente, se faisant le récit d’une initiation amoureuse sans aborder de front les transgressions et les interdits soulevés par la relation des deux protagonistes, mais en se concentrant au contraire sur l'histoire d'amour en tant que telle, ce qui est sans doute un de ses plus grands mérites.
Un film trop « lisse » ?
Malgré ses qualités indéniables, le film dans son ensemble paraît cependant très lisse et léché, au point d’en devenir ennuyeux, voire agaçant. Du fait de son contexte d’abord : c’est l’été, nous sommes dans un immense palazzo, « quelque part au nord de l’Italie », tous les personnages sont de riches intellectuels trilingues... Un contexte qui finit par essouffler le film lui-même. Call me by your name tend à se complaire dans un entre-soi ennuyeux, dans des références qui manquent de subtilité, qu’il s’agisse des quelques citations littéraires égrenées en langue originale dans le film, ou du parallèle insistant entre la relation d’Elio et Oliver et toute la thématique de l’Eros abordée à travers la statuaire grecque.
Il est difficile de ne pas penser à Eric Rohmer devant Call me by your name, et Guadagnino, lui-même, le cite comme un modèle : il réemploie effectivement son personnel favori (des jeunes gens beaux, amoureux et cultivés), son cadre privilégié (l’oisiveté des vacances d’été en Italie), mais lui enlève tout son piquant, son humour, sa dimension « décalée ». La peinture des Italiens par Guadagnino n’est d’ailleurs pas flatteuse, tout particulièrement la scène de repas de famille où tout le monde crie et gesticule en italien de façon extrêmement caricaturale.
Ainsi, ce film que l’on voudrait aimer semble céder à la facilité, se satisfaisant des belles images et d’une tendre histoire d’amour dans un cadre idyllique, et ne faisant qu'esquisser des enjeux plus profonds sans s'en saisir réellement.
Call me by your name de Luca Guadagnino, en salle le 28 février 2018. Ci-dessus la bande-annonce.