"La Caméra de Claire", le film de Hong Sang-soo le plus "faussement" modeste.
Deux mois seulement après la sortie de Seule sur la plage la nuit, voilà qu’un nouveau Hong Sang-soo débarque dans les salles. Le prolifique réalisateur coréen – le prochain film étant déjà tourné (Grass) – poursuit son rythme frénétique avec La Caméra de Claire, présenté hors-compétition au dernier festival de Cannes.
Explosion des « frontières »
Le rapprochement des sorties, les décalages et retards de diffusion par rapport à leur tournage, la présence dorénavant permanente de l’actrice Kim Minhee, les thématiques et le style spécifique du cinéaste ont tendance à faire éclater les frontières entre les films, à créer un véritable microsome, un monde des possibles, comme si l’on suivait une série télévisée dont on attendrait, connaîtrait et apprécierait les personnages-types (les enseignants, les réalisateurs, les actrices…), les situations-types (les repas alcoolisés, les cafés…), etc.
L’épuration dramatique (des événements, des personnages, des décors…) auquel tend de plus en plus le cinéma de Hong Sang-soo conduit à la répétition, sur le principe de la variation, de « micros-événements » qui favorisent l’attention des détails, aussi bien visuels (geste, regard) que verbaux (voix, dialogue). Une épuration qui va jusqu’à toucher la « taille » du film dont la durée n’excède pas l’heure et quart.
Cette porosité inter-films – sorte d’intertextualité non souhaité – trouve un écho dans la structure même des films où frontières réelles, voire géographiques (après l’Allemagne, Hong Sang soo tourne en France) et celles du « rêve » (après la Plage, c’est un Tunnel qui sert de lieu de passage « magique ») se mêlent, puis permettent certains glissements inattendus.
Il y a évidemment ce jeu dissonant, mais très drôle, autour du langage corporel et verbal lorsque la communication commence à poser problème à l’image de la rencontre entre l’enseignante française (Isabelle Huppert, déjà vu chez Hong Sang-soo dans le génial In Another Country) et le réalisateur coréen (Jin-yeong Jeong). Bien sûr, l’art – comme la lecture d’un poème français par un coréen – est toujours là pour "cicatriser" les coupures et autres ruptures, pour fonder ou réconcilier ce lien.
Huppert, figure liminale
Si les thématiques et la stylistique restent dans les standards habituels du cinéaste – le hasard des rencontres amenant toujours son lot de connexions où se nouent de beaux moments d’introspection et de partage autour de l’Altérité, de l’Amour, de l’Art, du Désir, etc. – il y a, avec ce beau personnage liminaire (intermédiaire) incarné par Huppert, une vraie réflexion, moins légère qu’il n’y paraît, autour de la perception et du temps, véritable histoire de cinéma et de photographie, mais aussi d’apparition et de fantôme.
Bien que modeste par sa « taille » - mais cela devient vite une force, La Caméra de Claire n’en reste pas moins humain (des caractères et relations complexes), poétique (des visions abstraites, presque magiques) et artistique (réflexion sur l’art), donc d’une intelligence subtile, qui fait hélas trop souvent défaut dans le cinéma d’auteur contemporain.
La Caméra de Claire de Hong Sang-soo, en salle le 7 mars 2018. Ci-dessus la bande-annonce.