CRITIQUE / AVIS FILM - Le Candyman est de retour dans les salles obscures. Heureusement pour les fans du personnage, Nia DaCosta a offert une relecture habile du mythe.
Candyman : le mythe est de retour
Pour ceux qui ne connaîtraient pas l'histoire de Candyman, il faut remonter en 1993. À l'époque, le cinéaste Bernard Rose crée un nouveau monstre sacré du cinéma horrifique : Candyman. Adapté de la nouvelle The Forbidden de Clive Barker, le film raconte l'enquête d'Helen Lyne, une étudiante qui décide d'écrire sa thèse sur les mythes et légendes locales. C'est en visitant une partie de la ville qu'elle ne connaissait pas qu'elle découvre le terrible récit de Candyman. Ce dernier, sorte de spectre effrayant dont on ne connaît pas réellement l'origine, apparaît à chaque fois que quelqu'un prononce son nom cinq fois devant un miroir. À l'époque, le film Candyman rapporte plus de 25,7 millions de dollars de recettes au box-office. Deux suites verront alors le jour, dont la dernière est sortie en 2000.
Universal Pictures, qui a depuis racheté les droits d'exploitation du personnage, a décidé de produire un quatrième film Candyman. Le studio confie l'écriture du scénario au talentueux Jordan Peele (Get Out, Us), qui offre la réalisation de cette nouvelle version à Nia DaCosta. Cette jeune cinéaste de 31 ans signe ainsi son deuxième long-métrage après Little Woods, sorti en 2020. Devant la caméra, c'est le comédien Yahya Abdul-Mateen II qui succède au grand Tony Todd.
Une relecture extrêmement habile du premier film
Jordan Peele et Nia DaCosta ont eu l'intelligence de ne pas offrir au public un simple reboot de la licence. Les amateurs du cinéma d'horreur sont plus exigeants qu'on le croit. Et Candyman version 2021 ne prend pas ses spectateurs pour des imbéciles. Loin de là ! En effet, le duo choisi d'opter pour un délicieux mélange entre remake et suite indirecte du premier film. L'histoire est différente, mais n'occulte pas les événements du premier volet. Jordan Peele et Nia DaCosta se servent du récit de Bertrand Rose pour solidifier leur propre histoire, leurs propres ressorts horrifiques, et surtout la légitimité de leur œuvre. Le duo modernise l'intrigue initiale, tout en proposant d'agréables clins d’œil. Candyman, qui assume son titre identique, est donc l'héritage direct du film de 1993.
Côté esthétique, Nia DaCosta met le paquet. La cinéaste offre une photographie classieuse superbe, qui propose quelques plans surprenants et renversants. La réalisatrice sait jouer de sa caméra, et impose une mise en scène précise, glaciale, sans esbroufe, ni élément visuel parasite. C'est sobre, fluide, froid, net et souvent très beau. Nia DaCosta a une volonté de faire les choses simplement, de revenir à un cinéma d'horreur sans cri, sans jump-scare, sans bruit, sans musique grandiloquente, où tout est volontairement silencieux, lancinant, inquiétant par l'ambiance plutôt que par le bluff. Il faut ajouter à tout ceci un design impressionnant concernant le Candyman, qui revient plus imposant que jamais. Son design visuel comme sonore est une formidable remise à niveau.
Une double lecture sociale intelligente
De même, Nia DaCosta se sert de l'imaginaire du Candyman pour aborder des thématiques sociales et raciales très actuelles. Comme Jordan Peele avant elle, elle utilise l'horreur comme élément dénonciateur d'une société qui stigmatise la communauté afro-américaine, que ce soit via la violence policière ou le manque de considération artistique et sociale. Elle aborde également les notions de paranoïa, de pression permanente, de pression de l'héritage afro-américain avec une certaine lucidité. Une approche matérialisée avec créativité par le biais de l'identité et des miroirs. Elle met en scène un protagoniste qui se cherche, et qui recherche sa place entre son héritage et la société dans laquelle il évolue. Et elle matérialise tout ceci par le reflet. Nia DaCosta crée ainsi une relecture habile du concept de Dr Jekyll et Mr Hyde.
On regrettera simplement une conclusion qui manque de surprise, et qui tourne un peu à vide. La faute à un dénouement assez flou, que ce soit dans son écriture ou dans son enchaînement, et qui détonne par rapport à la précision du reste du film. De même, l'œuvre manque parfois d'impact, en tout cas de ressorts horrifiques réellement terrifiants. Mais globalement, c'est sans doute la meilleure version de Candyman.
Candyman de Nia DaCosta, en salle le 29 septembre 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.