CRITIQUE FILM - Rupert Wyatt ("La Planète des Singes : Les Origines") est de retour derrière la caméra avec "Captive State" : un film politique sur fond d'invasion extraterrestre intelligent.
Après avoir gagné une certaine notoriété grâce à son reboot de La Planète des Singes, Rupert Wyatt est de retour avec un film de science fiction discret et efficace.Captive State se la joue à la Cloverfield : un film de science fiction où les extraterrestres ne sont qu'une toile de fond et dont le véritable sujet est tout autre. Le cinéaste réunit pour l'occasion Ashton Sanders, John Goodman et Vera Farmiga et dépeint comment les aliens pourraient contrôler le monde par le système politique.
Un thriller politique sur fond d'invasion extraterrestre
Captive State est indéniablement un film intelligent. Tout comme les productions de JJ Abrams, le long-métrage de Rupert Wyatt ne repose pas sur ses créatures mais sur un sujet diamétralement différent. 10 Cloverfield Lane en était l'exemple parfait : un thriller claustrophobe accompagné d'une catastrophe galactique cachée, dans lequel on ne sait plus discerner le vrai du faux. Captive State repose sur ce genre de concept. Il s'agit finalement d'un film politique qui expose une situation sociale contemporaine. Comme l'épisode du Yaourt dans l'anthologie Love, Death + Robots de Tim Miller, les extraterrestres ont pris possession du monde via des techniques relativement légales. Maintenant ils dominent la Terre, prennent les décisions, et appliquent une véritable hégémonie. L'être humain coopère ou meurt. Un concept extrêmement salvateur et globalement bien maîtrisé par le cinéaste qui met en place un jeu du chat et de la souris entre un groupe de rebelles et un flic à la solde de l’Etat. C'est ce qui donne tout son intérêt au film. Il ne s'agit pas d'un combat entre humains et aliens mais bien une histoire de révolution sociale. Le parallèle avec certains régimes politiques actuels comme la Corée ou la Russie est facilement discernable. Ainsi, son sujet politique évolue dans un univers de science-fiction habilement mené. La réalisation relativement réaliste et le design des créatures rappellent constamment le travail du cinéaste sud-africain Neil Blomkamp.
Les extraterrestres sont utilisés avec parcimonie et sont plutôt convaincants. John Goodman est encore une fois fidèle à son talent et tient le film sur ses épaules. Mais le jeune Ashton Sanders n'est pas en reste. Rupert Wyatt a signé un scénario intelligent, qui permet de mettre en scène un final percutant mais qui perd en impact à cause de ressorts émotionnels trop inexistants.
Un manque d'impact par excès de certitudes ?
Rupert Wyatt sait qu'il a écrit (avec Erica Beeney, co-scénariste) un petit film de science-fiction intelligent. A tel point que cela se ressent parfois dans sa réalisation. Il semble parfois que Captive State a connaissance de sa condition de film de science-fiction différent. Il se place en petit malin et par excès de confiance perd parfois la qualité de son impact sur le spectateur. Parce que l'histoire, si innovante soit-elle, manque de rythme. Les séquences politiques, de rebellions, d'espionnage finissent rapidement par tourner en rond. Rupert Wyatt ne trouve pas toujours d'éléments inédits pour créer de l'intérêt dans sa mise en scène. Un phénomène identique avec les personnages qui manquent de ressorts émotionnels et dramatiques. Ils ne sont plus que des jouets vides au service de l'histoire. L'impact émotionnel du grand final en est donc réduit.
De même, les extraterrestres se font finalement trop rares. Ne pas les mettre au premier plan est un choix extrêmement judicieux. Malheureusement, leur absence trop répétitive ne permet pas d'imposer la crainte qu'ils doivent transmettre. Les ressorts dramatiques fonctionnent donc avec moins d'efficacité puisque le spectateur ne parvient pas toujours à mesurer l'étendue de la menace. Par exemple, Gareth Edwards y parvenait à la perfection dans son étonnant Monsters. Malgré l'absence de budget il réussissait à créer une véritable tension sans jamais dévoiler les créatures. Rupert Wyatt y arrive moins bien. Il n'empêche que Captive State donne autre chose à voir, et partage une allégorie prenante et très actuelle des systèmes politiques contemporains. Une critique de la société déguisée, cachée derrière une histoire d'invasion assez sommaire.
Captive State de Rupert Wyatt, en salle le 3 avril 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.