Cargo (Netflix) : Make Australia Great Again

Cargo (Netflix) : Make Australia Great Again

CRITIQUE FILM - Première production originale Netflix made in Australie, "Cargo" met Martin Freeman et son bébé aux prises avec des zombies, le tout sous le cagnard de l’Outback.

En 2013, Ben Howling et Yolanda Ramke réalisent un court-métrage intitulé Cargo, dans lequel un homme cherche à qui confier son bébé alors qu'il est en train de se transformer en zombie. Sept minutes qui leur ont permis de se faire remarquer, au point que Netflix leur propose d'étendre cet essai en un long-métrage qui reprendra exactement le même pitch.

Un court-métrage étiré

Ce qui s'apparente à une bonne idée de court-métrage ne l'est pas forcément pour un long. Et Cargo le prouve. Parce qu'une fois l'idée de base (re)posée, le reste semble être que des ajouts artificiels vaguement là pour étirer sur la longueur, et justifier le format. Netflix connaît déjà ce problème au rayon des séries. Quasiment toutes leurs productions originales s'allongent plus que de raison, prennent un temps inapproprié pour développer des choses qui n'en demandent pas autant.

Qu'on se le dise, il ne se passe pas grand chose dans ce Cargo. Emballer une histoire de zombies à l'économie n'est pas un souci, le cinéma horrifique n'a pas besoin d'effusions de sang à outrance pour être légitime. Mais en misant sur la relation père/bébé, il faut en avoir sous la semelle pour tenir le temps d'un long-métrage. Ne serait-ce que d'un point de vue purement émotionnel. L'encéphalogramme reste curieusement plat alors que le scénario joue sur une corde sensible - un bébé est une figure que l'on a du mal à voir souffrir au cinéma. Sans doute parce qu'il n'est pas assez mis en danger, que sa pureté n'est que trop rarement menacée.

Le court initial sublimait l'idée par sa temporalité réduite et un montage dynamique. Le compte à rebours en devenait oppressant. Ici, on perd cette urgence dans un assemblage de banalités. En exceptant les 25 premières minutes, où la femme d'Andy (Martin Freeman) est encore là, tout ce qui suit sa morsure n'est que de la marche dans le désert avec de trop rares zombies ou péripéties. Les quelques personnages croisés ne prennent jamais concrètement vie à l'écran, comme s'ils étaient posés là afin de tenter de donner un peu plus de consistances à un scénario fragile. Le pseudo bad-guy illustre à merveille la triste capacité qu'a le film de ne pas concrétiser ses bonnes idées.

Retour aux sources

On l'aura compris, le genre abordé n'est pas ce qui intéresse de prime abord les scénaristes/réalisateurs, dont l'ambition est de traiter de la notion d'héritage au travers de la culture d'un pays. C'est là que le cadre géographique, l'Outback australien, prend sens. Andy va partager ce qui lui reste de temps avec Thoomi (Simone Landers), une jeune aborigène. Son peuple est le premier à avoir foulé ses terres, avant d'être maltraité par les colons. Cargo puise sa maigre originalité dans l'histoire des aborigènes, leur rapport à la mort et à la notion de transmission.

Le film est d'un coup intéressant lorsqu'il fait de ce peuple la solution à l'apocalypse. Cette épidémie, dont on ne sait rien volontairement (?), est l'occasion pour l'Australie d'effectuer un retour aux sources, après que la fracture sociale entre aborigènes et colons soit arrivée à un point de non-retour. L'occasion d'aller puiser dans les racines, la terre, et d'en extraire des méthodes qui ont été ensevelies sous des siècles de maltraitance. Même dos au mur, le bad-guy, symbole du colon couillon, préfère exploiter Thoomi plutôt que de comprendre qu'une alliance est la clé pour rebâtir quelque chose. Une voie qu'emprunte Andy, conscient que cette partie de la population réduite au silence est la solution si on prend le temps de comprendre leurs us et coutumes.

C'est une tradition dans le genre : user des codes pour distiller un discours politique. Une maigre consolation pour ce Cargo, indubitablement imprégné d'un certain potentiel inexploité. La mise en scène banale n'élève aucun enjeu, l'écriture noie ses idées à force de les distendre. On sauvera juste un Martin Freeman très bon dans cet ensemble qui paraît dénué d'intérêt, comme cet Outback est dépeuplé de zombies. Encore raté, Netflix !

 

Cargo de Ben Howling et Yolanda Ramke, disponible sur Netflix depuis le 18 mai 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Énième film de zombies qui ne tire que timidement son épingle du jeu par l'exploitation de sa situation géographique.

Peut mieux faire

Note spectateur : Sois le premier