CRITIQUE / AVIS FILM - Deux ans après "Plaire, aimer et courir vite", Christophe Honoré recentre son cinéma le temps d'une nuit dans un hôtel avec "Chambre 212", long métrage littéralement porté par son casting, qui tire aussi sa force d'un scénario original, bien que vite essoufflé.
On est bien loin de l'hôtel nauséabond de Shining, ou encore du démoniaque hôtel Cortez de la saison 5 d'American Horror Story. L'action se situe plutôt non loin de Montparnasse à Paris, en face du cinéma des 7 Parnassiens dans un petit établissement hôtelier qui ne paie pas de mine, mais qui a amplement suffi au cinéaste Christophe Honoré. Le décor situé, il place ainsi ses personnages, des âmes qui semblent esseulées, un peu évadées du monde qui les entoure. On a d'abord Maria, campée par une Chiara Mastroianni impériale, fière et drôle, qui s'oppose malgré elle à son mari Richard, incarné tout en nonchalance par Benjamin Biolay, décidément parfait pour le rôle. Dans leur appartement, la dispute éclate : Maria a trompé Richard, "quelque chose qui devait arriver" clame t-elle. Un acte qui fait office de coup de départ d'une attraction où le temps et les situations sont suspendus. Maria s'enfuit dans l'hôtel d'en face, chambre 212, le temps d'une nuit. Elle se demande si elle a pris la bonne décision... Et de cette introspection, tout prend forme.
Réflexion d'un soir
Christophe Honoré, qui revient près de deux ans après son ode Plaire, aimer et courir vite, semble réduire cette fois-ci son cinéma sur une idée à la fois simple et complexe : la conversation conjugale. La vie en couple dans le temps, ce fléau qui peut entraîner les deux corps aux pires sévices... Ou presque. Puisque Chambre 212 est autant un drame qu'une comédie burlesque. La chambre, paysage mental parfait pour Maria, est en réalité une somme infinies d'idées, de souvenirs, de passages. Maria se questionne, parle à son mari plus jeune - donc plus sexy - joué tout en finesse par Vincent Lacoste. Elle tombe aussi sur sa mère, aigrie, sur ses amants, le temps d'une scène absurde où ils débarquent tous sur son lit. Plus tard, l'ancienne professeur de piano de son mari, Irène Haffner (Camille Cottin), revient la hanter et courtiser Richard. Ses apparitions vont venir bousculer l'esprit de Maria, prendre des décisions à sa place parfois... Mais le film ne la laisse pas sur le carreau et sait lui redonner le pouvoir qu'elle mérite.
Si Christophe Honoré voulait dépeindre la vie conjugale, il avait aussi dans l'objectif de rendre cela le plus poétique possible. C'est en convoquant le passé qu'il explique le présent et veut donc assurer le futur. Chambre 212, dont la mise en scène élégiaque transporte, dispose en revanche d'une histoire qui aurait largement fait office d'une nouvelle. Le film n'est jamais vraiment trop long, mais souffre néanmoins d'une restriction de décors qui peut engendrer une certaine monotonie. Cependant, il est avant tout porté par un duo d'acteurs irrésistible qu'on prend plaisir à retrouver. Mastroianni et Biolay ont un passif et le spectateur ne peut l'oublier. Cette relation se retranscrit à merveille dans le film, qui a offert à l'actrice le prix d'interprétation de la section Un certain regard du dernier Festival de Cannes. Et elle ne l'a pas volé.
Chambre 212 de Christophe Honoré, en salle le 9 octobre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.