CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "Charlie Says" Mary Harron aborde l'affaire Manson sous un nouvel angle, s'intéressant en premier lieu à ses disciples, et plus particulièrement à trois filles directement impliquées dans l'assassinat de Sharon Tate.
L'histoire autour de Charles Manson, à l'origine d'une série d'assassinats dans la région de Los Angeles en 1969, dont celui de Sharon Tate, l'épouse du réalisateur Roman Polanski, a particulièrement été remise en avant cette année. Quentin Tarantino s'en est en effet inspiré pour son Once Upon a Time... in Hollywood, qui s'intéresse avant tout à cette période. Puis, la saison 2 de Mindhunter, série Netflix qui s'intéresse aux tueurs en série, a, à son tour, mis en scène le criminel. Dans les deux cas, c'est Damon Herriman qui l'incarnait.
Avec Charlie Says, distribué en mai dernier aux Etats-Unis et présenté au festival de Deauville, c'est cette fois Matt Smith qui se transforme en Charles Manson. Mais là encore, ce n'est pas lui le sujet central du film. Mary Harron s'intéresse elle aux membres de la communauté hippie fondée par Manson. Et plus particulièrement Leslie Van Houten (Hannah Murray), Patricia Krenwinkel (Sosie Bacon) et Susan Atkins (Marianne Rendón), directement impliquées (avec Charles « Tex » Watson) dans la mort de Sharon Tate, entre autres.
En faisant des vas et viens entre 1969 (sur l'origine des faits) et trois ans plus tard, dans le pénitencier pour femmes, la réalisatrice a à l'évidence deux objectifs. Déjà montrer tout le paradoxe qui entoure Charles Manson, dans son aura et ses préceptes. Ce dernier étant capable à la fois de défendre une idée cohérente qui peut être soutenue - en prônant un retour à la nature, un abandon du système capitaliste, une acceptation de son corps... -, et à la fois basculer dans des délires racistes, misogynes, sexistes. Cela se résumant par exemple par cette phrase d'une des filles : "nous n'appartenons à personne ici, nous appartenons toutes à Charly". Une image finalement typique du gourou qui va lui-même à l'encontre de ses règles pour maintenir une emprise sur ses disciples.
En se mettant alors du côté des filles, Charlie Says cherche à comprendre leur endoctrinement, voire à créer une forme d'empathie pour elles. Un choix assez dérangeant, mais comme peut l'être celui de Tarantino de les dé-diaboliser par sa relecture des événements.
C'est là que se trouve le second objectif de Mary Harron. Montrer que durant leurs premières années d'incarcération les trois jeunes filles citées précédemment continuent d'être sous l'influence de Manson. En travaillant avec une enseignante envoyée pour leur donner la possibilité de suivre des cours, elles finissent doucement par comprendre que les promesses de Manson ne se réaliseront pas. Que ses préceptes étaient des mensonges et surtout qu'elles sont responsables des meurtres. Une acceptation de la réalité qui marquera alors le vrai début de leur peine.
Les intentions de Mary Harron sont donc louables. Et Charly Says est pour le moins intéressant sur l'aspect historique. Mais là encore le film a de quoi déranger. Se mettant trop du côté de ces trois filles qui, même en prison, paraissent sympathiques, souriantes et même appréciées des gardiens. Une représentation finalement trop propre des personnages, à quoi s'ajoute une absence dommageable d'ambition, rapprochant davantage Charly Says d'un assez bon téléfilm.
Charlie Says de Mary Harron présenté lors du 45e festival de Deauville, prochainement en salle. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.