CRITIQUE FILM - Elle est un des symboles de la culture française, un pilier de la littérature universelle, Colette fait partie de ces figures difficiles à approcher, à toucher et à incarner. À l'heure où les mouvements pour les droits des femmes et la communauté LGBTQ+ sont plus que jamais actifs, émerge un long-métrage sur l'émancipation d'une femme qui a marqué son époque autant que la nôtre.
Il aura fallu une bonne dizaine d'années pour que le scénario d'un tel biopic soit réalisable. En même temps, les enjeux étaient grands, les attentes pétrifiantes et l'histoire tellement dense. Comment réaliser un film sur une figure aussi importante, une icône de la littérature, une femme aux multiples talents allant de l'écriture à la comédie, de l'émancipation d'une femme qui, à l'époque, brisait tous les codes en s'émancipant intellectuellement, moralement et sexuellement, et dont le parcours fait écho encore actuellement ? Comment le faire sans se prendre une poignée de cailloux en plein visage ?
C'est donc plusieurs années après avoir découvert les écrits via son associé et compagnon de vie, que Wash Westmoreland s'est finalement lancé dans ce défi de taille. Lui, dont le sublime Still Alice, a couronné Julianne Moore de statuettes dorées, s'est donc attardé sur la vie fascinante de Sidonie-Gabrielle Colette qui a tantôt porté la casque d'écrivaine, tantôt celle de journaliste, mime et actrice.
Si le biopic est bien trop académique et conventionnel pour être remarquable, il a la présence et la prestation enragée, parfaitement incarnée, de l'actrice britannique Keira Knightley qui porte sur ses fines épaules le long-métrage à elle seule. Car, bien que le film s'interroge en grande partie sur le couple qu'elle forme avec Willy (interprété par Dominic West) c'est surtout sur elle que reposent les enjeux scénaristiques peinant à trouver de l'intérêt chez les autres personnages, parfois complètement transparents.
Le film est cependant un très bon divertissement qui, grâce à sa réalisation cohérente, sa jolie photographie et son actrice principale, arrive à garder l'intérêt du spectateur. En sortant de la salle, ce dernier a l'immense envie et curiosité de re-découvrir les œuvres de la romancière. Dans une ère où, dans la sphère cinématographique, on requestionne les pratiques en se penchant sur les parcours des femmes qui ont marqués l'Histoire, le film sort au bon moment.
Derrière chaque grande femme se cache un homme?
Ce qui peine dans ce long-métrage c'est la façon dans le personnage féminin, qui est plus qu'un simple personnage puisqu'il est une icône de son époque, est traité vis-à-vis du personnage masculin. Car si le film raconte l'histoire de Sidonie-Gabrielle, il se concentre davantage sur le personnage masculin, Willy. Bien qu'il serve avant tout à Colette de s'émanciper aussi bien pour son art que pour sa vie (puisse l'un et l'autre être dissociables), il est omniprésent. Ses quelques agissements immoraux seront, par ailleurs, justifiés pour que l'autrice puise en elle ses dons d'écrivaine et l'inspiration. On se souviendra, par exemple, de cette scène où Willy l'enferme à double tour dans un bureau lui ordonnant d'écrire pendant au moins quatre heures. Une maltraitance psychologique qui sera vite passée sous silence car le livre qui en sortira, sera un succès en librairie.
Si Willy n'est pas glorifié, il est bien trop souvent excusé pour ses agissements, par une vision masculine trop présente. On regrette que le film ne soit basé uniquement sur sa relation avec Willy alors que l'autrice puisera dans ses relations lesbiennes (que l'on voit en majeure partie dans le film uniquement de manière charnelle et sexuelle), des sujets passionnants, dans ses expériences de comédienne, à travers le monde, des écrits inspirants. On regrette qu'une femme aussi inspirante soit une fois de plus mise sous les projecteurs grâce à son mari.
Ce qui pose réellement un problème c'est le discours global qui entoure le film qui, par ailleurs, insiste beaucoup sur la modernité du personnage. Car le réalisateur, la production et la distribution insistent lourdement sur le fait que le long-métrage arrive socialement à un moment phare de notre époque. Avec les mouvements politiques et sociaux comme Me Too, Time's Up et les mouvements pour les droits à la fois des femmes et de la communautés LGBTQ+, le film a en effet une importance vitale. Mais contenu de certains paradoxes, on en vient à se poser une question : cette importance est-elle véritablement l'essence du film ou un simple enjeu commercial ?
Colette de Wash Westmoreland, en salle le 16 janvier 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.