CRITIQUE/AVIS FILM - "Comment je suis devenu super-héros", à voir sur Netflix, est une production française inédite et très ambitieuse. Réalisé par Douglas Attal et interprété par un casting brillant, ce film de super-héros réussit à susciter de jolies surprises ainsi qu'une belle émotion.
Il y a quelques temps, des grands noms du cinéma américain, avec Martin Scorsese à leur tête, donnaient un avis tranché sur le genre super-héroïque incarné par Marvel et DC. C'est un spectacle, mais ce n'est pas du cinéma au sens où celui-ci a été conçu et produit jusque-là. Sujet à éternel débat, l'apparition du genre en France via Comment je suis devenu super-héros vient apporter un élément de réponse. Dans un cinéma français versé dans tous les genres sauf celui des super-héros et de son calibre blockbuster, Douglas Attal et ses comédiens pouvaient-ils réussir leur film français de super-héros ? La pression est lourde : si le film est une réussite, alors démonstration sera faite que le genre appartient entièrement au cinéma, puisqu'en France, à la différence de l'industrie hollywoodienne, et pour aller dans le sens de Scorsese, on ne fait "que" du cinéma...
Une figure technique et fantastique réussie
Adapté du best-seller de Gérald Bronner Comment je suis devenu super-héros, le premier film de Douglas Attal témoigne de l'ambition de réaliser un grand spectacle avec son action, ses explosions, sa musique épique, ses envolées d'individus capés et masqués et ses combats. Mais si on a les machines pour mettre en scène et en images un tel type de spectacle, il faut encore trouver des interprètes qui seront crédibles et convaincants dans ces rôles inédits.
Dans un futur très proche, le nord de Paris subit le fléau d'un trafic d'une drogue qui donne temporairement des super-pouvoirs. Ces super-pouvoirs, il en existe beaucoup, sont acceptés dans la société. C'est un premier point important : dans ce Paris très reconnaissable, certains ont des super-pouvoirs, et c'est somme toute banal. Le lieutenant de police Gary Moreau (Pio Marmaï) est chargé d'enquêter sur ce fléau, en binôme avec sa nouvelle partenaire Cécile Schaltzmann (Vimala Pons). De plus, il va solliciter l'aide d'anciens super-héros, reconvertis dans des activités normales ou en triste fin de carrière. Parmi ceux-là, Monté Carlo (Benoît Poelvoorde) et Callista (Leïla Bekhti).
Comment je suis devenu super-héros est très enthousiasmant, dès ses premières images qui nous plongent directement dans le sujet et l'action. La fraîcheur de la démarche est réelle : on n'a effectivement jamais vu ça dans un film français. On est donc très curieux. Sur le plan visuel, rien à redire, les effets spéciaux sont très convaincants, la mise en scène de l'action et du fantastique est appliquée et réussie.
Des super-héros inédits et émouvants
Le super-vilain Naja (Swann Arlaud) est charismatique et cruel, et on croit assez vite à la réalité et à la gravité des enjeux. Est-il plus aisé de jouer un antagoniste qu'un protagoniste dans ce genre d'histoire ? Peut-être, mais à l'instar de Swann Arlaud, la réussite du film repose sur le magnifique casting du film, qui n'a pas la tâche forcément aisée. Acteurs et actrices de drames surtout, de cinéma français évidemment, pouvaient-ils s'effacer entièrement derrière leurs personnages ? Le devaient-ils ? La beauté de Comment je suis devenu super-héros vient de son identité nationale, qui est aussi sa limite : chassez le naturel, il revient au galop.
La France a déjà ses "super-héros" : Arsène Lupin, Vidocq, beaucoup de personnages de Belmondo, des flics et des voyous magnifiques, etc. Son cinéma aime s'inscrire dans un cadre réaliste, explorer les dimensions sociale et intime de la société et de ses individus, montrer le monde en respectant a priori sa réalité. Là où Comment je suis devenu super-héros est génial, c'est que ses super-héros sont humains, très humains. Assaillis de doutes, ils souffrent d'échecs et de différentes solitudes. Ils ne planent pas au-dessus de la mêlée, ne sont pas sur-humains, mais ils sont d'une chair que le public connaît : la sienne.
Pour la première fois peut-être, on voit des super-héros dont on n'envie pas le quotidien. Formidable comédien qu'on ne s'attendait pas à voir en combinaison moulante, Benoît Poelvoorde incarne parfaitement cette particularité de Comment je suis devenu super-héros.
Une fin trop précipitée pour la belle ambition du film
Pio Marmaï, Vimala Pons, Leïla Bekhti et tous les autres jouent ainsi à la perfection ces personnages, autant des figures d'action que de vrais destins dramatiques. On comprend rapidement qu'il y a un avant à leur histoire, que ces super-héros ne l'ont pas toujours été, que le monde a changé et qu'ils n'y ont plus une place évidente. Il y a donc une forme de gravité très appréciable dans Comment je suis devenu super-héros, une maturité qui limite sa dimension a priori familiale. D'une certaine manière, on commence le film avec une attente presque enfantine, pour le terminer avec une expérience adulte.
Comment je suis devenu super-héros ressemble à Watchmen et Batman, à DC donc. Plus qu'aux films Marvel dont le fantastique prend entièrement le pas sur la dimension policière des aventures. Douglas Attal réussit à réconcilier ses deux arguments : celui du fantastique et du policier, sollicitant donc à l'équilibre un divertissement super-héroïque et une enquête "humaine" réaliste. Mais au moment où ses deux aspects s'épousent enfin harmonieusement, l'issue de l'intrigue se précipite. D'une durée d'1h37, on reste sur sa faim, en se disant que le film pouvait nous emmener encore plus loin, plus fort, et plus haut.
Sa fin ouverte laisse la possibilité de revoir ces super-héros, mais est-ce possible dans le paysage français où les tentations pour les comédiens et les réalisateurs sont autres ? C'est un mystère, et il faudra attendre pour savoir si une suite est à donner. Mais si on devait en rester là, alors ainsi soit-il, et ce film stand alone n'en gardera qu'autant plus sa grande qualité, sa très belle émotion et son envie sincère de s'amuser intelligemment.
Comment je suis devenu super-héros, de Douglas Attal. À partir du 9 juillet sur Netflix. La bande-annonce ci-dessus. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.