CRITIQUE FILM - Après « L'Île au trésor » début juillet, deux courts-métrages de Guillaume Brac sortent en salle, regroupés dans ces « Contes de juillet ». De jeunes femmes et de jeunes hommes se livrent à des rencontres fortuites ou forcées, à la base de loisirs de Cergy ou à Paris, le jour de la fête nationale.
L’été continue avec Guillaume Brac. Après un documentaire sur l’île de loisirs de Cergy (voir notre critique), Brac revient sous le soleil avec Contes de Juillet, réunion de deux de ses courts-métrages réalisés en 2016 pour le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Le premier de ces deux courts, intitulé L’amie du dimanche, repart sur les traces de L’Île au trésor et des planches à voile de L’amie de mon amie de Rohmer, et prend la direction de Cergy et de sa base de loisirs. On y suit la journée de deux collègues de travail, pas vraiment sur la même longueur d’onde, qui tenteront de profiter de leur journée ensoleillée à leur manière, ensemble ou chacune de leur côté. La première se laisse guider par un beau garçon qui travaille là. La seconde, agacée de devoir tenir la chandelle entre les deux tourtereaux, fera une rencontre inattendue dans les bois avoisinants.
L'ennemie de mon ami
Le second court-métrage, Hannah et la fête nationale, suit la journée d’une étudiante norvégienne à Paris le 14 juillet, jour de fête nationale et de défilé sur les Champs-Élysées. Alors qu’elle s’apprête à repartir en Norvège le lendemain pour rejoindre son petit ami, elle va faire la rencontre d’un jeune parisien, très entreprenant, puis passera la soirée avec des amis dans les bâtiments de la Cité Universitaire, où elle séjourne. Les jalousies et les tensions amoureuses feront peu à peu surface avant que le réel ne vienne rattraper la fiction : ce soir-là, un camion a foncé sur la foule amassée sur la Promenade des Anglais à Nice, faisant de nombreuses victimes. Hannah, esseulée par son égoïsme et par la jalousie qui l’entoure, finit sa dernière soirée à Paris en larmes.
On voit bien ce qui relie ces deux courts-métrages entre eux. Ces deux récits, en une journée, bien qu’agencés de façon différente, ne cessent de remettre en scènes les mêmes trajectoires à l’écran, quitte à en épuiser l’essence naturelle et anodine. Des jeunes hommes et des jeunes femmes, pris au jeu de la séduction ou sous l’emprise du harcèlement voire de l’agression, continuent malgré tout à rêver, à sourire, à s’enlacer ou à s’embrasser. Mais cette petite logique de rencontre qui se met en place, où les relations finissent par imploser avant de se quitter en bons termes (les deux amies du dimanche qui rentrent ensemble, Hannah qui embrasse Andrea lors de son départ), tournera assez vite en rond. Problème : Contes de juillet ne dure qu’une petite heure.
Fabrique de la rencontre
Sans doute trop soucieux de trouver la « magie » dans une fiction à la lisière du réel et de l’improvisation, Guillaume Brac s’est un peu perdu. Les échos et les répétitions solaires de L’Île au trésor laissent la place à un refrain trop bien connu, qui semble forcé de toutes parts : celui du cliché des croisements et des échanges amoureux typiquement rohmeriens, brefs, intenses, anodins ou silencieux, dans des lieux quasi-fantastiques. Il y a quelques mois, Kechiche se plongeait pleinement dans ce même type de rencontres magnifiées par le dialogue et la chaleur des corps en été avec Mektoub My Love. Il parvenait, sur un récit au long cours, à renouveler sans cesse les joutes orales et scopiques de ses personnages libidineux jusqu’à nous en faire oublier la nature fictionnelle.
Dans Contes de Juillet, en incorporant une fiction trop codifiée dans une réalité bien définie (les personnages portent le nom des comédiens, les lieux sont reconnaissables, les événements du 14 juillet refont surface), Guillaume Brac en vient à masquer le réel. La mécanique des rencontres finit par trop se voir et par cacher les quelques sursauts poétiques qui se dégagent dans le film : un escrimeur qui s’entraîne dans une clairière, un agent de sécurité qui se met à danser soudainement, un câlin solidaire face à la bêtise d’un jeune homme puéril. Ces quelques beaux instants en suspension finissent par être avalés par la répétition de cette même mécanique de la rencontre fugace, que le cinéma français ne connaît que trop bien.
Contes de Juillet de Guillaume Brac, en salle le 25 juillet 2018. Ci-dessus la bande-annonce.