CRITIQUE / AVIS FILM - Après "Drive My Car", Ryūsuke Hamaguchi est de retour au cinéma avec "Contes du hasard et autres fantaisies". Le réalisateur démontre une nouvelle fois sa capacité à mettre en scène des dialogues sublimes...
Contes du hasard et autres fantaisies : l'art de la conversation
Dans la dernière partie de Drive My Car, les dialogues créent les situations et deviennent les principaux révélateurs d'émotions que les personnages cherchent à enfouir. Un long échange dans une voiture permet par exemple à deux hommes de se confronter au deuil d'une femme qu'ils ont aimée différemment, de surmonter l'animosité et la retenue entre eux. La communication, qui n'est pas seulement utile pour résoudre des problèmes mais peut aussi les créer et devenir une véritable péripétie, est à nouveau au coeur de Contes du hasard et autres fantaisies.
Le film de Ryūsuke Hamaguchi débute d'ailleurs sur une conversation dans une voiture. Une jeune femme se confie à une amie sur le coup de foudre qu'elle a récemment eu pour un homme et sur l'alchimie qu'elle espère pouvoir développer avec lui. Son interlocutrice l'écoute avec attention et se réjouit pour elle. Lorsqu'elle se séparent, le spectateur découvre que l'homme en question n'est autre que l'ex-petit ami de la confidente.
Le long-métrage porte donc parfaitement son titre et la plupart du temps, la poésie, l'ironie et la beauté du hasard se dévoilent de manière inattendue pendant ces échanges, au même titre que la douleur et la tristesse se dévoilent dans ceux de Drive My Car. Inspiré par l'oeuvre d'Éric Rohmer, Ryūsuke Hamaguchi parvient à faire naître une amitié, le désir, l'érotisme, les regrets ou encore à provoquer la résurgence de sentiments amoureux durant ces conversations qui balaient une palette d'émotions extrêmement large.
Un format parfait
À l'origine, le cinéaste voulait développer sept épisodes sur des rencontres fortuites et des événements imprévus. Mais après avoir tourné les trois premiers, il estime avoir suffisamment de contenu pour un film entier. Le réalisateur ne se trompe pas. De par leur diversité et les différents protagonistes qu'ils présentent, ces trois contes entraînent sans difficulté le spectateur et chaque début de sketch attise à nouveau sa curiosité.
Contes du hasard et autres fantaisies évite la redite et propose des confrontations singulières desquelles naissent les rires, l'amertume et la nostalgie. Dans le deuxième, une étudiante veut piéger un professeur en tentant de le séduire et une sorte de suspense naît grâce à l'orientation de leur échange, qui se termine dans une surprenante douceur, avant l'arrivée d'une ellipse à la fois cruelle et réconfortante. Un sketch qui, encore plus que les deux autres, rappelle qu'une conversation apparemment anodine peut avoir de grandes conséquences.
Intenses et délicats, les dialogues de Contes du hasard et autres fantaisies sont d'une richesse rare, qui permet l'attachement immédiat à des personnages et le rejet de certains autres. Ryūsuke Hamaguchi filme les mots sans tomber dans la contemplation et évite la logorrhée ennuyeuse, réussissant à impliquer un spectateur qui attend toujours la réplique suivante et la révélation qu'elle est susceptible d'amener.
Contes du hasard et autres fantaisies de Ryūsuke Hamaguchi, en salles le 6 avril 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.