CRITIQUE FILM – Après "Johnny Mad Dog", Jean-Stéphane Sauvaire est de retour avec "Une prière avant l’aube", un film puissant qui nous plonge au cœur d’une prison thaïlandaise, dans laquelle un jeune boxeur anglais tente de survivre.
Présenté l’an dernier en séance de minuit au Festival de Cannes, Une prière avant l’aube sort enfin dans nos salles. Mêlant habilement film de prison et de boxe, le long-métrage est une réussite immersive et prenante.
Le film raconte l’histoire vraie de Billy Moore, jeune boxeur anglais incarcéré dans une prison thaïlandaise. Dans cet environnement extrêmement violent, Billy tente de rester en vie tant bien que mal. Lorsqu’il découvre la salle d’entraînement de la prison, le jeune boxeur comprend qu’elle est son unique chance de s’en sortir.
Une descente en enfer particulièrement brutale
Les premières minutes du film donnent d’emblée le ton de la première partie emplie de rage. En quelques minutes, Jean-Stéphane Sauvaire réussit à retranscrire la colère de Billy, encore libre mais déjà complètement paumé. Le montage extrêmement rapide et les cadres serrés permettent au réalisateur de poser les bases de son personnage empli de fureur.
Après son arrestation pour possession de drogue, Billy se révèle moins agité mais la tension reste palpable. Il suit la procédure d'incarcération sans broncher et sans comprendre le thaïlandais. En épurant les dialogues, le réalisateur de Johnny Mad Dog renforce la solitude du personnage qui débarque dans un environnement inconnu. Il réussit à faire comprendre très rapidement au spectateur la hiérarchie qui régit une cellule. La caméra à l’épaule donne l’impression d’être dans la prison et d’observer, à l’instar de Billy, les rites d’initiation.
Si le concept du long-métrage tient sur deux lignes, les réactions du boxeur sont en revanche nombreuses, surprenantes et bourrées de nuances. Lorsque Billy est témoin d’un viol, le spectateur se prend son impuissance de plein fouet. A l'inverse, quand il combat, que ce soit sur le ring ou non, l’enchaînement nerveux des plans illustre parfaitement sa violence enfouie.
Pendant la première partie du film, le boxeur déguste. Certaines situations sont parfois répétées à l’extrême, notamment celles où Billy fume du Yaba, complètement exténué. Si ce procédé n’est pas toujours nécessaire, il permet néanmoins d’enfermer le spectateur dans l’enfer que vit le prisonnier.
Totalement habité, Joe Cole livre l’une des prestations les plus enragées que l’on ait vu depuis un moment au cinéma. Brisé, à l’image du Billy de Midnight Express, le boxeur qu’il interprète se retrouve dans une situation désespérée qui secoue le spectateur. Puis, l’effervescence retombe lorsque le héros découvre la salle d’entraînement. Malgré cela, la deuxième partie captive davantage. Plus lumineuse, elle révèle en effet des passages bouleversants lorsque Billy reçoit des signes de bienveillance inespérés.
Le sport ou la mort
Difficile de faire un film de boxe ou de prison original tant les genres ont été éculés. Jean-Stéphane Sauvaire en a conscience et l’idée n’est pas de mettre en scène un long-métrage qui se démarque par la singularité de son sujet. Le réalisateur s’offre même quelques clins d’œil à des classiques comme Raging Bull. La force d’Une prière avant l’aube réside dans sa façon de raconter l’histoire de Billy avec honnêteté et sincérité. A ce niveau, le film tient largement son pari. Jamais le spectateur ne décroche et son empathie pour le boxeur ne fait que croître.
Après la descente en enfer vient le temps de la renaissance pour Billy, qui se fera sur le ring. Cet arc narratif a déjà été vu moult fois mais Jean-Stéphane Sauvaire se le réapproprie habilement. Alors que la barrière de la langue freinait Billy lors de son entrée en prison, elle finit peu à peu par lui venir en aide. Intrigués par le héros qui cogne dur, les autres boxeurs apprennent à communiquer avec lui sur le ring. Peu à peu, l’implication de Billy dans le muay thai et son ouverture créent des liens d’amitié touchants et toujours perceptibles sans dialogue.
Grâce à ces relations, Jean-Stéphane Sauvaire fait souffler son personnage mais également son spectateur. Malgré quelques passages superflus, la deuxième partie réussit à faire entrer des émotions opposées à celles du début. Derrière la colère se cache parfois une bienveillance qui offre quelques moments furtifs mais bouleversants. Elle se ressent notamment par le regard inquiet de l’entraîneur sur Billy, ou par une marque de confiance exprimée par le directeur de la prison interprété par Vithaya Pansringarm. La relation en dents de scie entre Billy et une prisonnière résume par ailleurs parfaitement la capacité du réalisateur à jouer avec les sensations du spectateur.
Jusqu’au plan final profondément évocateur, ces rapports donnent une véritable puissance émotionnelle à Une prière avant l’aube. Si le film souffre de quelques carences scénaristiques, il n’en demeure pas moins extrêmement prenant. Il laisse son spectateur rincé et prouve que les récits sur l'adaptation et le dépassement de soi offrent des possibilités infinies au cinéma.
Une prière avant l’aube de Jean-Stéphane Sauvaire, en salle le 20 juin 2018. Ci-dessus la bande-annonce.