Diane Kruger incarne une veuve en quête de vengeance dans « In the Fade » de Fatih Akin. Drame poignant au départ, le film s'éparpille au fur et à mesure que les pistes se multiplient pour, au final, grandement décevoir.
Retour au pays gagnant pour Diane Kruger qui a remporté le prix d’interprétation cannois cette année pour In the Fade de Fatih Akin, son premier rôle germanophone. Si sa performance est, bien entendu, convaincante, elle n’en restera pas moins très convenue et attendue (à l'image du film). Le scénario de In the Fade, certes propice à des scènes de composition assez efficace (ce qui lui a, en plus de la faible concurrence, sans doute valu le prix), ne fournit à son actrice principale aucune fulgurance, aucun sursaut, aucune scène marquante.
L’histoire du film annonce même le pire. Après s’être mariée avec un ex-trafiquant kurde, Nuri Sekerci (Numan Acar), encore en prison lors du mariage, et après avoir eu un enfant, Rocco, issu de cet heureux union, la vie de Katja (Diane Kruger donc) est détruite lorsque ces deux derniers sont tués soudainement dans un attentat qui a eu lieu dans le quartier turc de Hambourg, où Nuri travaillait. Celle-ci, tout en faisant son deuil, va petit à petit comprendre que cet attentat est l’oeuvre d’un jeune couple raciste et néo-nazi ayant fait sauter une bombe artisanale juste devant le bureau de Nuri. On comprend assez vite où le film veut en venir : après un procès qui n’aboutit pas à l’emprisonnement du couple, Katja va devoir se venger elle-même. En gros, rendre la justice que la justice ne rend pas.
Fake vigilente
Avec un tel pitch, In the Fade, même sans être original pour un sous, aurait put être un honnête film de genre. Mais le film n’a de vigilante que le synopsis, au passage, un peu trop sensationnel : « après le deuil et l’injustice, viendra le temps de la vengeance ». Il ne faudra pas s’y fier : In the Fade n’est pas un revenge porn ultra-violent et débridé à la Kill Bill mais bien, au contraire, une lente agonie où Diane Kruger interprète un être en perdition, qui broie du noir, bref, « dans le flou », comme le suggère assez bien son titre. Et après tout, pourquoi pas ? Prendre le contre-pied de ce qu’on pourrait attendre pour, justement, montrer la résignation et la frustration d’un appel au carnage qui n’aura jamais vraiment lieu, comme le faisait si brillamment A Beautiful Day, est toujours intéressant. Le problème est qu'ici, et contrairement au film de Lynne Ramsay, Fatih Akin s’éparpille dans son propos et alourdi son film d’une dimension politico-sociale un peu bidon, qui aurait gagné, tout simplement, à ne pas être là.
Ce dernier, en voulant réaliser un film (trop) complet (comprendre : montrer la violence de notre monde, étudier la psychologie du deuil, illustrer le désir de vengeance, l’incompétence du système judiciaire, tout en fournissant un sous-propos sur l’Europe, le racisme, et le passé douloureux de l’Allemagne), se perd complètement. In the Fade va nulle part et s’emmêle les pinceaux. L’arc narratif principal aurait pu suffire, mais non ! Akin agrémente la frustration initiale de son héroïne d’un procès, d’une enquête, d’explications à outrance et même de cette dimension politique déjà évoquée qui, à part paraître très expéditive, incomplète et inutile, dessert lourdement le film.
Confusion stérile
Et si la profusion des directions contenue dans un film comme La Lune de Jupiter (par exemple) servait à illustrer une certaine idée du chaos ambiant, ici, alors que les qualités du film s’expriment justement dans le silence et la douleur de la veuve Katja, les nombreuses ambitions de son réalisateur ne mènent absolument à rien. De plus, Akin ne va au bout d’aucune de ces dites aspirations, qu’elles soient visuelles (des plans-séquences disséminés à droit à gauche alors que le montage global reste, de son côté, assez transparent) ou narratives (des pistes sont lancées mais aucune n’aboutit véritablement).
On aurait voulu voir un film tentant encore plus de choses visuellement, quitte à paraître encore plus démonstratif (on aurait au moins eu quelque chose à se mettre sous la dent), ou, à l’inverse, se concentrant plus sur son récit, quitte à être plus minimaliste, clair et efficace. Akin, en se perdant ainsi, n’arrive d'ailleurs même pas à finir son film et donne une dimension vaguement spirituel à un final très anecdotique qui, sans être raté, et dans le prolongement du film lui-même, ne signifie pas grande chose.
In the Fade de Fatih Akin, en salle le 17 janvier 2018. Ci-dessus la bande-annonce.