Christophe Régin, qui a longtemps pratiqué le football amateur, livre avec "La Surface de réparation", son premier long-métrage, un film intelligent et sensible sur la cruauté du monde du football. Alice Isaaz et Franck Gastambide y incarnent avec talent des personnages émouvants.
L’accent naturaliste de La Surface de réparation lui donnerait presque un air de documentaire. Dans cette fiction qui s'attache à un personnage au rêve évanoui, et où on ne mettra pas un pied sur un terrain, le réalisateur Christophe Gérin dévoile un quotidien inédit du monde du football professionnel. Celui de ceux qui forment les "entourages", ces anonymes qui gravitent autour des joueurs et des clubs. Film sur le foot sans ballon mais avec une passion, La Surface de réparation veut montrer ce qui existe dans cette zone grise.
Pour l'amour d'un club
Franck (interprété par Franck Gastambide) n’est personne. Recalé de l’équipe pro du FC Nantes quand il était jeune, il est resté à la marge de ce microcosme, sans statut ni salaire, mais prodiguant des services et des conseils aux joueurs et aux dirigeants. Un rôle d’encadrement que personne ne lui reconnaît officiellement, mais sur qui chacun compte pour régler ses problèmes et œuvrer dans l'ombre aux intérêts du club. Toujours disponible auprès des dirigeants comme des joueurs et des supporters, il n'en est pas moins seul et enfermé dans son quotidien. Lassé par le manque de reconnaissance, bouleversé par sa rencontre avec une jeune femme et par le retour au club d’un ex-coéquipier, Franck va tenter d’infléchir sa destinée.
Un duo d'acteurs surprenant et convaincant
Il y avait une forme de pari dans la démarche du réalisateur. Il a écrit le rôle de cet homme bon mais terriblement seul pour l’acteur-réalisateur Franck Gastambide. Peu auraient pensé voir l’auteur de Pattaya dans un genre si différent de celui de la comédie. Mais ici, dans un registre dramatique inédit, il joue avec une grande justesse la solitude et la bonté. Il incarne de manière très convaincante celui qui a été privé de son rêve, mais sans laisser à la déception sa sincérité et ses principes. Privé de gloire sportive et de ce qui va avec, il poursuit par procuration mais avec sincérité ce rêve auprès des jeunes du club.
Il donne la réplique à Alice Isaaz, qui incarne une michtonneuse spécialisée dans le joueur de football, Salomé. Dans le duo dépareillé qu’elle forme avec Franck, elle apporte une énergie qui manque par moments au film. Enthousiaste, véritable chien fou dans un jeu de quilles, elle intensifie et rend le drame nerveux. Actrice au charisme et à l'énergie indéniables, elle semble avoir ce don de rayonner sur ses partenaires de jeu, de les emmener naturellement dans un jeu intense.
Un film à la passion timide
Cependant, bien documenté et maîtrisé, le film reste à regrets et trop souvent dans sa zone de confort. Dommage que le grain de folie apporté par le personnage de Salomé n'ait pas plus déteint sur l'ensemble. Cette retenue est peut-être imputable à l'idée qu'un premier long-métrage cherche toujours à trop montrer. Si elle sert ici une certaine sobriété, elle bride aussi inutilement la course du film. Le film en souffre ainsi sur la longueur et peine à s'équilibrer. Certaines scènes auraient pu être réduites et d'autres plus développées, notamment celle de la visite nocturne du zoo. Une scène-clé où la métaphore de l'enfermement est trop fugace pour vraiment porter tout son sens.
Néanmoins, on ne s'ennuie pas devant La Surface de réparation. On ressent un réel investissement dans la réalisation et dans l'interprétation, ce qui donne un film parfois inégal mais souvent poignant. Une jolie surprise, avec un duo d’acteurs plus que convaincant.
La Surface de réparation de Christophe Régin, en salle le 17 janvier 2018. Ci-dessus la bande-annonce.