CRITIQUE / AVIS FILM - Après "Orgueil et préjugés", "Reviens-moi" et "Anna Karénine", Joe Wright se penche à nouveau sur une histoire d'amour bouleversante avec "Cyrano". Avec ce film porté par Peter Dinklage et Haley Bennett, le cinéaste transforme le chef d'oeuvre d'Edmond Rostand en comédie musicale.
Cyrano : nouvelle adaptation d'un classique
Depuis son écriture en 1897 et sa première représentation la même année, Cyrano de Bergerac ne cesse d'inspirer d'autres formes artistiques, de l'opéra à la bande dessinée. En 1900, Clément Maurice filme une scène de la pièce, ce qui donne un court-métrage de deux minutes. Il s'agit de la première "adaptation" cinématographique. Elle sera suivie de nombreuses autres, la plus célèbre étant probablement celle portée par Gérard Depardieu et réalisée par Jean-Paul Rappeneau, sortie en 1990.
En 2019, Alexis Michalik retrace la création tumultueuse de la pièce avec Edmond. C'est désormais au tour de Joe Wright de s'emparer du chef d'oeuvre d'Edmond Rostand. Après s'être frotté au thriller hitchcockien avec La Femme à la fenêtre, projet mineur et conventionnel plombé par un final guignolesque et de nombreux problèmes de production, le cinéaste revient au film en costumes avec Cyrano.
Le réalisateur reprend le travail d'adaptation d'Erica Schmidt, qui a transformé la pièce de théâtre en comédie musicale. Après avoir joué Cyrano sur scène, le compagnon à la ville de la scénariste Peter Dinklage incarne à nouveau ce rôle emblématique au cinéma. Grand ami de Roxanne (Haley Bennett), à laquelle il n'a jamais osé avouer la véritable nature de ses sentiments, le héros est meurtri lorsqu'il apprend qu'elle est tombée amoureuse de Christian de Neuvillette (Kelvin Harrison Jr.).
Courtisée par le cruel comte de Guiche (Ben Mendelsohn), Roxanne fait promettre à Cyrano de l'aider à se rapprocher de Christian avant qu'il ne soit trop tard. Son vieil ami accepte, le coeur lourd.
L'histoire d'amour ultime
Au même titre que celle de Roméo et Juliette, l'histoire d'amour de Cyrano est universelle et intemporelle. Mais plutôt que d'en proposer une version moderne comme l'avait fait Baz Luhrmann avec la pièce de William Shakespeare, Joe Wright garde le contexte d'origine en la situant au XVIIe siècle, où le personnage principal n'est plus moqué en raison de son nez mais de sa petite taille.
L'audace du projet vient plutôt du fait qu'il allie comédie musicale et film d'époque, se condamnant ainsi à un échec commercial, comme le prouve d'ailleurs la distribution limitée dans les salles françaises, qui fait suite à l'annonce de l'annulation complète de la sortie.
Pourtant, Cyrano vaut amplement le coup d'oeil. Tout d'abord pour la romance tragique qu'il dévoile, certes connue mais racontée ici avec humour, violence et un rythme constant. Comme il l'avait fait avec le superbe Anna Karénine, Joe Wright cherche à faire une véritable jonction entre le théâtre et le septième art. Le réalisateur assume l'aspect factice et répétitif de ses décors, comme par exemple la chambre de Roxanne, mais n'hésite pas à les filmer avec de l'ampleur, préférant toujours le mouvement aux cadres fixes.
Par ailleurs, la direction artistique ne se retient pas sur les couleurs, qu'elles passent à travers les costumes, les maquillages et la photographie. D'abord chatoyant puis glacial dans sa dernière partie et enfin éclatant dans sa conclusion, le long-métrage multiplie les choix esthétiques appuyés, ce qui renforce son romantisme exacerbé. En cela, Cyrano se rapproche d'Anna Karénine, mais aussi d'Orgueil et préjugés et Reviens-moi.
Des séquences musicales poignantes
Enfin, si toutes les chansons ne se valent pas, certaines d'entre elles restent en mémoire. La plus belle concerne des soldats envoyés à la mort. Conscients qu'ils vivent leurs ultimes instants, ils font part de leurs derniers messages à leurs proches. Un passage magnifique auquel participe notamment l'excellent Glen Hansard (Once).
À cela s'ajoute le dialogue final entre Cyrano et Roxanne, empreint de douleur et de pudeur. Une fin poignante, qui rappelle que Joe Wright n'est jamais aussi bon que lorsqu'il met en scène des histoires d'amour, et qui confirme sa maîtrise des séquences musicales après en avoir donné un bref aperçu dans Pan.
Cyrano de Joe Wright, en salles le 30 mars 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.