CRITIQUE FILM - "Dans la brume" plonge Romain Duris et Olga Kurylenko dans un Paris chaotique.
Il y a de cela quelques semaines, le surprenant et revigorant La Nuit a dévoré le monde avait donné un petit coup de pied au cul du cinéma français. À la même période, Pascal Laugier sortait Ghostland, une électrisante proposition, qui dans un tout autre registre, prouvait qu'on savait faire du cinéma de genre de qualité dans nos contrées. L'année dernière, c'était le phénomène Grave qui triomphait dans nos salles. Quelque chose se passe-t-il réellement en France ou est-ce simplement des épiphénomènes ? Il est encore bien trop tôt pour le dire.
Toutes ces propositions récentes restent quand même des "petits films", tournées sans aucune tête d'affiche (on peut citer au mieux Mylène Farmer dans Ghostland) et destinées presque fatalement à une niche. Dans la brume bouscule ce modèle et veut s'imposer comme un divertissement populaire. Tourné pour une dizaine de millions d'euros, le film de Daniel Roby ambitionne de rameuter dans les salles un public qui n'a pas l'habitude de consommer ce type de cinéma. Pour y arriver, il fallait un nom populaire. L'heureux élu est Romain Duris ! Habitué du cinéma franco-français, il sert d'appât afin de faire entrer le film dans des sphères que le fantastique touche bien trop rarement.
Romain Duris incarne Mathieu, un père de famille dont la fille, Sarah (Fantine Harduin), est atteinte d'une maladie rare la forçant à vivre dans une grosse bulle hermétique. Alors qu'il rentre d'un voyage au Canada, une épaisse et mortelle brume prend possession des rues de Paris. Mathieu va devoir veiller sur sa femme, Anna (Olga Kurylenko), et trouver un moyen de sortir sa fille de son cocon médical. Puisque personne ne viendra les aider, la débrouille est de rigueur.
L'enthousiasme s'estompe rapidement
Laissons maintenant de côté notre enthousiasme lié au simple fait que la France produise un film de la sorte pour se concentrer sur le résultat final. Car le plus important est surtout de faire du bon cinéma. Si La Nuit a dévoré le monde était une tentative "auteurisante", Dans La Brume est son opposé. Comme un diptyque (les deux partagent les mêmes scénaristes), un projet global, deux facettes d'une seule pièce. En 1h30, le film veut faire le spectacle et clame son envie de divertir. Une démarche que l'on salue parce que Daniel Roby et ses scénaristes assument le premier degré total de l'entreprise, ce qui rejaillit forcément à l'écran. Et formellement il faut avouer que le long-métrage a de la gueule - l'intense scène de l'arrivée de la brume fait clairement son petit effet, les scènes dans la rue marchent bien à l'écran.
Le problème, même lorsqu'on veut faire du divertissement, c'est de bien le faire. Et là, le bât blesse dans l'écriture. La première demi-heure passée, Dans la brume empile les péripéties en oubliant totalement de soigner les phases de transition. Un chien menaçant débarque comme un cheveu sur la soupe, une explosion intervient juste histoire de mettre un peu de piquant, Mathieu décide de passer par les toits et tombe comme par hasard sur une corde lui permettant de continuer son chemin... On a connu des scénaristes plus appliqués pour rendre crédibles les bifurcations de l'intrigue.
Il fallait de l'action, on le conçoit, mais une écriture moins pachydermique aurait maintenu la tension à son paroxysme. Le spectateur se retrouve dans une situation où les ficelles sont si apparentes, qu'il a lui-même le recul pour prendre conscience que ceci n'est qu'artifice. On peut par exemple aussi parler de la scène gênante où Sarah aborde le sujet du sentiment amoureux avec sa mère, alors que la situation est critique. Pourquoi le faire à cet instant hormis pour renforcer vulgairement l'émotion ?
Un film frustrant
À l'inverse, on sort frustré de la salle parce que le film néglige des aspects intéressants de son univers. Dés que notre attention se porte sur un élément, il est aussitôt délaissé. Le final ouvre la porte à quelque chose de prometteur mais le film se referme immédiatement. Pareil pour ce qui concerne les animaux (pourquoi certains vivent ?), les événements de Montmartre (l'anarchie est abordée du bout des lèvres) ou, simplement, l'origine de la brume (elle vient du sol). Est-ce une parabole sur la pollution ? De quoi veut réellement parler le film via le prisme du genre ? Une simple histoire de papa qui veut sauver sa fille ? Tout ça pour ça ? On a du mal à y croire.
Probablement bloqué par les moyens à sa disposition, Daniel Roby laisse sur le bas-côté un tas de pistes pour pondre une ébauche. Dommage, car Dans la brume aurait bien besoin d'une suite pour continuer à creuser son univers et devenir totalement convaincant. On reste avec un sentiment d'inachevé, comme si l'on venait de voir le pilote d'une série et que le meilleur était à venir. Sauf que rien ne garantit que suite il y aura. Et le problème est bien là.
Dans La Brume de Daniel Roby, en salles le 4 avril 2018. Ci-dessus la bande-annonce.