Daphné : la fraîcheur à l'anglaise

Daphné : la fraîcheur à l'anglaise

CRITIQUE FILM - Avec son premier long-métrage Peter Mackie Burns fait une proposition pleine de jeunesse et maîtrisée avec justesse. Porté par Emily Beecham, le film aborde la poésie du quotidien avec une fraîcheur remarquable.

Il y a certaines perles sur nos grands écrans qui ne sont pas attendues et qui ne font que trop peu parler d'elles. C'est le cas de Daphné, premier long-métrage de Peter Mackie Burns qui, ces dernières années, excellait plutôt du côté des court-métrages. D'ailleurs, c'est un de ses derniers, Happy Birthday to Me, qui a donné naissance à Daphné, puisqu'il en est directement la suite.

C'est dans un Londres actuel, à la fois coloré et gris, que le récit prend vie. Loin d'être une énième comédie sur un trentenaire à la recherche de l'amour, Daphné jongle entre la comédie et le drame, ces deux gens qui, mis ensemble, sont un véritable miroir de la vie. Le scénario signé Nico Mensinga, ne fait pas forcément dans l'originalité mais il a le grand mérite d'être cohérent et bien écrit.

Du côté de la réalisation, le cinéaste écossais, offre un long-métrage maîtrisé en tous points. S'il ne réinvente pas le cinéma, il tente d'exprimer à travers une exécution carrée, la spontanéité du personnage principal. Car c'est lui qui est véritablement au cœur de tout. Aussi bien du récit que de la réalisation, qui s'inscrit dans la continuité de ses actes.

Un personnage féminin qui fait du bien

Comme le croisement d'une Bridget Jones des années 2018 et d'une Fleabag un peu plus sur la retenue, c'est avec beaucoup de caractère et évoluant dans un Londres loin des clichés qu'on pourrait lui coller sur le front, que Daphné s'inscrit dans une lignée de personnages féminins proches de la réalité. Avec son franc parlé et son naturel qui lui donnent un charme fou, la Britannique n'hésite pas à envoyer balader toutes celles et ceux qui veulent lui barrer la route du bonheur.

Pourtant, tout comme ses deux consœurs du grand et petit écran, Daphné est un personnage complexe, aux maux présents et à la capacité de rêver d'un ailleurs. C'est grâce à un personnage écrit avec beaucoup d'attention et de respect que le long-métrage est, en grande partie, une réussite. Car c'est tout en nuances que la trentenaire prend vie. À la fois cynique et optimiste, forte et fragile, désespérée et remplie d'espoir, la jeune femme, grandement désabusée par la vie, est fait d'un équilibre parfait.

Loin d'être conventionnel (ce qui est fortement remarquable), le personnage de Daphné est, à lui seul, une ode à la fraîcheur, à la jeunesse et à la spontanéité. Pour l'incarner, la très solaire Emily Beecham, qui a largement attiré les regards dans le Ave, César! de Joel et Ethan Coen en 2016, est d'une incroyable justesse. L'une semble être l'autre tant l'incarnation est de qualité.

Une héroïne du quotidien

Daphné offre un regard rafraîchissant sur les personnages féminins trentenaires. Ceux qui ne sont pas rangés dans des cases, qui ne sont ni des héroïnes badass, ni des héroïnes tragiques mais plutôt des héroïnes du quotidien aux paroles spontanées, à la sexualité décomplexée et aux actes assumés. Ce sont ces personnages originaux, atypiques et profondément humains qui rendent justice aux spectateurs qui peuvent, dès les premières minutes, s'identifier à eux.

Solide portrait d'une femme active, Daphné, a le mérite de s'inscrire, comme son personnage, dans son époque. Tiraillée entre ses envies et les envies de ses proches, la trentenaire incarne, malgré l'évidence de ce propos, une femme moderne. Sans aucune prétention, sans s'acclamer et se réclamer militant, le film met en scène l'histoire d'une femme ordinaire, pétillante et attachante. Le genre d'histoires qui, sous prétexte qu'elles seraient moins intéressante que d'autres, manquent cruellement sur les grands écrans.

Loin des stéréotypes encore trop véhiculés, le long-métrage de Peter Mackie Burns est une petite bulle de réalité au charme fou qui, en cette période presque estivale et pré-festival de Cannes, fait beaucoup de bien au moral. C'est grâce à sa fine frontière entre la comédie et le drame, son actrice éclatante et sa justesse scénaristique que le film se démarque et qu'il est, sans aucun doute, une des plus belles surprises de ce mois de mai.

 

Daphné de Peter Mackie Burns, en salle le 2 mai 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Frais et jeune, "Daphné" est un film touchant, maîtrisé au sein de son scénario et de sa réalisation. Le réalisateur fait, de son premier long-métrage, une réussite.

Bilan très positif

Note spectateur : Sois le premier