Deux fils : pas facile d'être un père

Deux fils : pas facile d'être un père

CRITIQUE FILM - Félix Moati entre dans la cour des grands avec "Deux fils", son premier long-métrage touchant et tendre sur la paternité en l'absence de la mère, la fraternité et la construction masculine. Pour l'occasion il s'offre les présences de Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde ou encore Anaïs Demoustier.

On avait laissé en 2018 Vincent Lacoste, étudiant sur les bancs de la faculté de médecine dans Première Année, on le retrouve en 2019, doctorant en psychiatrie dans Deux fils, le premier long-métrage du comédien Félix Moati. Enfin, c’est ce que Joachim fait croire à tout le monde, car depuis sa rupture avec Suzanne, il ne travaille plus sa thèse. Le réalisateur poursuit avec Deux fils les personnages et le travail entrepris dans son court-métrage Après Suzanne. Le film montre d’ailleurs joliment comment le mensonge est utilisé comme porte de sortie, dans le seul but d’éviter de faire du mal à ceux qu’on aime. Car Joachim ne veut pas décevoir ni inquiéter son père Joseph (Benoît Poelvoorde), médecin généraliste déjà bien fragilisé par sa solitude et le récent décès de son frère.

Pourtant, Joseph ment lui aussi. Il n’exerce plus et s’est lancé dans l’écriture mais il n’a rien dit à ses fils Joachim et Ivan (Mathieu Capella) pour les préserver. Son ami éditeur (Patrick d’Assumçao) ne lui dit pas non plus toute la vérité sur son talent. Quant à Ivan, il est à l’âge de la crise adolescente, des questions existentielles et de l’éveil amoureux. Et pourtant, ses deux modèles sont sacrément bancals dans ce domaine.

Critique Deux fils : pas facile d'être un père

D’autant que Joachim s’intéresse de près à Esther (Anaïs Demoustier), jeune femme qui donne des cours de latin à son frère. Tout cela met Ivan en colère. Il sèche les cours, boit, raconte des craques, fiche la honte à sa famille. Et lui aussi, il se met à mentir. Car il lui est bien difficile de voir son père et son frère tenter de ne pas sombrer dans cette dépression qui semble guetter les hommes de la famille.

Un père n'est pas toujours un repère ni un modèle dans la vie

Il n’y a plus d’épouse, ni de mère. L’absence de la femme de leur vie, dont on apprendra les raisons à la toute fin, les a soudés à jamais. Créant un trio bouleversant de tendresse, de naturel, d’empathie mais malgré tout dysfonctionnel. Car les fils sont les pères de leur propre père. Et grandissent sans véritable point de re-père, tout comme leur père avant eux. Personne n’occupe vraiment la place qu’il est sensé occuper. Mais ce qui compte, et c’est ce que l’on retiendra de Deux fils, c’est que ces trois-là s’aiment et se soutiennent du mieux qu’ils peuvent. Ils passent leur temps à se chercher les uns les autres, à s’intéresser les uns aux autres. Félix Moati a parfaitement réussi à rendre belle et enthousiasmante la complicité de cette famille. Et pourtant, les trois ne se parlent pas beaucoup, mais écoutent beaucoup aux portes, ce qui leur permet de découvrir les secrets des uns et des autres.

Critique Deux fils : pas facile d'être un père

Le réalisateur aime indéniablement ses personnages un peu paumés et a le don de les rendre attachants. Il pose sa caméra sur leurs épaules, sur leurs nuques, sur leurs corps démunis et leurs visages tristes. Il laisse la possibilité au spectateur de les approcher au plus près de leurs vies et de leurs ressentis. Il les montre en passe de se noyer, l’un dans le souvenir d’un amour mort, l’autre dans l’exutoire de l’écriture avec la conscience de l’échec et le dernier dans la vie.

Le film n'aborde pas les drames de façon dramatique. Bien au contraire. Le ton se veut léger, les dialogues sont frais, décalés, parfois surprenants et désarmants, mais toujours bienveillants. On retrouve d’ailleurs le style de l'écrivain Florence Seyvos, qui a collaboré au scénario, et dont on avait déjà pu apprécier le talent dans Camille redouble ou Demain et tous les autres jours. Le casting est parfaitement complémentaire : Vincent Lacoste lunaire, Benoît Poelvoorde écorché et Mathieu Capella, dont c’est le premier rôle au cinéma, bluffant de réalisme. En interrogeant subtilement sur le sens et la difficulté de la paternité, Deux fils est une ode tendre à la vie, à ses surprises, à ceux qui essayent et donc aussi à ceux qui échouent, et se relèvent.

 

Deux fils de Félix Moati, en salle le 13 février 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Deux fils" est un film touchant, dont les personnages attachants font réfléchir sur la paternité, la famille et la vie

Note spectateur : Sois le premier