CRITIQUE / AVIS FILM – A la fois suite de "Shining" et adaptation du roman de Stephen King, "Doctor Sleep", que vaut ce retour au pays du cauchemar porté par Ewan McGregor ?
Stephen King est revenu dans l'univers de Shining en 2013. Trente-cinq ans après son chef d’œuvre de la littérature, le romancier décide de continuer son histoire culte en racontant l'âge adulte de Danny Torrance. Côté cinéma, c'est Mike Flanaga qui s'occupe d'adapter Doctor Sleep, tandis que Ewan McGregor endosse le rôle principal, prêt à affronter Rebecca Ferguson.
Quelques envolées superbes
C'est un pari risqué. Conforter les fans de Shining version Kurbick, mais également les fans de la version littéraire, tout en restant fidèle à Doctor Sleep. Un travail de funambule, qui doit jongler entre les différentes visions. Et finalement, Mike Flanagan s'en sort avec les honneurs. Sans atteindre la profondeur de l’œuvre de Kubrick, il parvient à mettre en scène une suite efficace, plus en adéquation avec Stephen King. Plus explicite, Doctor Sleep s'éloigne du rythme lent et pesant de Shining, pour aller vers un récit plus dynamique. Il s'affranchit parfois de l'ombre de Shining, pour offrir sa propre vision du mythe, en tout cas dans la première partie. Le métrage doit aussi beaucoup à ses interprètes. Ewan McGregor, fidèle à lui-même, interprète un Danny Torrance solide. Mais la vraie réussite vient des deux personnages féminins, absolument brillants. Rebecca Ferguson et Kyliegh Curran sont extrêmement convaincantes, notamment grâce à un affrontement très stimulant.
C'est dans la matérialisation du Shining que Mike Flanagan trouve véritablement son identité. Il met en scène des visions créatives inédites. Avec beaucoup de maîtrise il matérialise les pouvoirs de ses personnages avec inventivité. Les confrontations entre Rebecca Ferguson et Kyliegh Curan sont des envolées géniales, qui imposent un rythme et un graphisme visuel inédits. Des joutes mentales qui trouvent des idées de mise en scène intelligentes, une imagerie forte, universelle, qui donne une profondeur salvatrice au métrage. Ce sont ces séquences, finalement assez rares, qui sortent clairement du lot. Malheureusement, ces passages superbes sont entrecoupés d'un récit trop convenu, assez bavard, et parfois ennuyeux.
Du fan service grossier
La seconde partie n'arrive pas à échapper à Shining. Mike Flanagan plonge les deux pieds dans le plat. Il ramène Danny à l'Overlook, où il va se contenter de remplir paresseusement le cahier des charges. C'est une séquence que les fans attendaient, le retour du héros dans l'hôtel maudit. Ça devait être la quintessence d'un mythe, une manière de boucler la boucle. Mais il n'en est rien. Mike Flanagan saccage un des plus grands films d'horreur de l'histoire du cinéma. Il redonne vie à un univers qui doit rester mort. Il ressuscite de vieux démons pour leur faire perdre de leur superbe. Sorte de remake insipide d'une époque révolue. L'Overlook aurait dû rester où il était : fermé et à l'abandon.
Parce que cette conclusion accumule les fans services sans aucune personnalité. Mike Flanagan coche les cases, amoncelle les références sans vision artistique, sans idée de mise en scène ou de montage. L'Overlook n'est plus le lieu hanté de notre enfance, mais de simples couloirs sombres où le cauchemar n'opère plus. Le cinéaste expédie sa conclusion, ramène le spectateur dans un lieu censé être lent, en dehors du temps, mais avec un rythme endiablé. L'atmosphère ne prend pas, l'action présentée ne se marie pas avec l'univers dans lequel elle évolue. Le décalage ne fonctionne pas, et même la nostalgie ne peut pas sauver cette conclusion grossière. Finalement, Doctor Sleep n'est pas détestable, et est même relativement divertissant. C'est plutôt efficace, mais ça n'atteint clairement pas la dimension abyssale de Shining.
Doctor Sleep de Mike Flanagan, en salle le 30 octobre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.