CRITIQUE / AVIS FILM - En 2017, Pedro Almodóvar montait une fois de plus les marches de Cannes avec le mélodrame maîtrisé, “Julieta”. De retour sur la croisette avec “Douleur et gloire”, il revient au drame intimiste, plus personnel que jamais.
Avant même de découvrir Douleur et gloire, nouvelle réalisation de Pedro Almodóvar, on savait à quoi s'attendre. En mettant en scène un réalisateur âgé qui revient sur son passé, sur ses souvenirs d’enfance et sur les hommes qui l'ont accompagné durant sa carrière, il était évident que le cinéaste espagnol comptait livrer une de ses œuvres les plus personnelles. D'autant plus en réunissant deux de ses interprètes fétiches, Antonio Banderas et Penelope Cruz.
Même si le nom change (ici Banderas se nomme Salvador) et que le cinéaste déclarait que Douleur et gloire est à la fois basé sur sa vie, et ne l'est pas, dès qu'Antonio Banderas apparaît à l'écran, on comprend que le comédien incarne véritablement le réalisateur, trouvant des similitudes frappantes dans des gestes simples. Il suffit de le voir poser des lunettes noires devant ses yeux pour cacher sa prise d'héroïne (on y reviendra) pour être frappé par la ressemblance. Le comédien fétiche d'Almodóvar livre d’ailleurs peut-être sa plus belle performance, tout en retenue.
Almodóvar sobre et mature
La retenue, c'est également dans la mise en scène d'Almodóvar qu'elle se fait remarquer. Une réalisation sobre qui rend le film lent mais parfaitement cohérent avec son personnage de réalisateur atteint par d'innombrables douleurs physiques (au dos, à la tête) comme psychologiques (la mort de sa mère et un grand amour qui hantent encore ses pensées). Certainement que les adeptes du cinéma d'Almodóvar chaleureux et souvent déjanté, où les genres se mêlent, pourraient être déconcertés. Voire regretter le peu de séquences “chaudes” où le cinéaste filme avec plaisir un passé espagnol si authentique - celui où les femmes nettoient le linge dans l'étang en chantant avant de le faire sécher au soleil -, incarné à elle seule par Penelope Cruz. C'est pourtant là un réalisateur mature qu’on découvre. Celui qui faisait un virage dans sa carrière avec Julieta, et qui parvient encore à trouver un fond de nouveauté. Comme en offrant une vision terriblement angoissante de la drogue pour un homme prêt à plonger sur le tard, et en dévoilant des discussions intimes avec sa mère, durant son enfance ou à son chevet.
Ainsi c'est bien en se livrant littéralement au spectateur, en lui montrant ses différentes facettes et les moments qui l'ont (re)construit qu'Almodóvar tire une émotion. Par un monologue sur la relation toxique du réalisateur avec un héroïnomane devenu son amant, ou en s’excusant auprès de sa mère d’avoir pu la décevoir en ayant été simplement lui-même. Il conclut ainsi sans le vouloir (à moins que) une sorte de trilogie personnelle après La Loi du désir et La Mauvaise éducation, et semble renaître pour franchir une fois de plus un stade important de sa carrière et de sa vie personnelle.
Douleur et gloire de Pedro Almodóvar, présenté à Cannes 2019, en salle le 17 mai 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.