CRITIQUE / AVIS FILM - Avec "En corps", Cédric Klapisch s'intéresse à la renaissance d'une danseuse incarnée par Marion Barbeau. Une comédie dramatique à travers laquelle le cinéaste fait ce qu'il fait de mieux : filmer un groupe, ici composé de personnages attachants.
Un début maladroit pour En corps
La première partie du nouveau film de Cédric Klapisch laisse dubitatif. Après avoir surpris son petit ami en train d'embrasser une autre dans les coulisses de leur spectacle, Élise (Marion Barbeau) est désorientée. Sur scène, la ballerine se blesse à la cheville.
Comme pour la viticulture avec Ce qui nous lie, l'envie du cinéaste de se consacrer pleinement à la danse et de porter un regard passionné sur la discipline se ressent immédiatement, au cours d'une longue ouverture qui révèle la coordination et l'organisation parfaites nécessaires lors d'une représentation.
Le traitement des personnages laisse le spectateur nettement plus sceptique. Alors que l'héroïne traverse une situation difficile, qui pourrait la contraindre à renoncer à sa vocation, les apparitions comiques de certains seconds rôles viennent vite amoindrir son impact émotionnel. C'est par exemple le cas de Yann, kinésithérapeute incarné par François Civil qui plane et dont la crise de larmes en pleine consultation frôle le ridicule.
Dans ces premières scènes, le réalisateur ne réussit pas à trouver l'équilibre entre légèreté et gravité. Les séquences s'enchaînent maladroitement et les dialogues sonnent parfois faux. Pourtant, le dilemme auquel est confronté Élise est intéressant : faut-il écouter des recommandations prudentes pour se préserver et ainsi tourner le dos à son art, ou s'y abandonner totalement en se fiant au pouvoir de la volonté ?
Un voyage libérateur
En corps parvient à se délester de sa candeur puérile et de ses préceptes balourds de développement personnel, là aussi grandement véhiculés par le personnage problématique de Yann, dès qu'Élise prend la route. Pour se remettre de sa blessure, l'héroïne décide d'aller se mettre au vert en suivant Sabrina (Souheila Yacoub) et Loïc (Pio Marmaï). Cette danseuse ayant été contrainte d'arrêter sa carrière et ce cuisinier itinérant s'installent temporairement dans la résidence de Josiane (Muriel Robin), en Bretagne. Dans sa grande propriété, cette femme reçoit régulièrement des troupes venues s'exercer, leur offrant un terrain d'expression pour nourrir des ambitions artistiques qu'elle regrette de n'avoir jamais eues.
Nettement plus spontanés et nuancés, ces trois personnages mériteraient leur propre long-métrage tant ils sont attachants. Ce sont eux qui permettent l'épanouissement de l'héroïne, et ce sont leurs trois interprètes qui permettent à Marion Barbeau de trouver le bon ton. Cédric Klapisch s'affranchit quant à lui des tourments parisiens pénibles du début du film. Il met en scène des dialogues où l'humour et la sensibilité paraissent beaucoup plus naturels. En parallèle, il se penche sur le travail passionnant de la troupe d'Hofesh Shechter, venue répéter dans la maison. Et lorsque Yann débarque dans ce paysage, il se détend enfin et devient à son tour sympathique, happé par l'énergie globale.
Restons groupés
Au-delà des histoires sentimentales classiques d'Élise et des réponses prévisibles à ses questionnements, c'est l'harmonie du groupe que le spectateur retient le plus d'En corps. D'autres arcs narratifs sont néanmoins intéressants, à l'image des retrouvailles entre la danseuse et son père Henri (Denis Podalydès), distant et presque apathique depuis la mort de sa compagne. Mais rien ne vaut les réunions collectives et leurs moments de convivialité.
Des instants qui parsèment tout le cinéma de Cédric Klapisch, de Le Péril jeune à Ce qui nous lie en passant par L'Auberge espagnole, qui n'est jamais aussi entraînant que quand il met de côté le tempérament autocentré de ses protagonistes. Ce que le réalisateur prouve à nouveau avec En corps, grâce à la danse mais pas seulement.
En corps de Cédric Klapisch, en salles le 30 mars 2022. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.