CRITIQUE / AVIS FILM - Jason Statham revient affronter des requins géants dans "En eaux très troubles" dans une suite peu inspirée qui oublie tout ce qui faisait l'intérêt du premier film.
En eaux très troubles : la même mais en plus gros ?
En eaux troubles (2018) avait été une bonne surprise. On y découvrait Jason Statham en plongeur spécialisé dans les eaux profondes et opposé à un Mégalodon (un très gros requin). Ce simple concept régressif suffisait à donner un certain intérêt au long-métrage. Mais Jon Turteltaub (réalisateur des films Benjamin Gates) était parvenu à proposer bien plus qu'un nanard. En trouvant le juste équilibre entre film d'action sérieux et divertissement déjanté aux références évidentes.
C'est l'honnêteté de sa démarche qui faisait d'En eaux troubles un film plaisant. De là, voir arriver la suite En eaux très troubles, avec plus de requins, encore plus gros, avait tout pour convaincre à nouveau. D'autant plus avec ce titre français, volontairement ironique quant à l'exagération promise. Seulement l'espoir s'avère de courte durée et laisse place à une profonde déception.
Toujours tiré d'un roman de Steve Alten (cette fois The Trench), ce second opus (dirigé désormais par Ben Wheatley) met toujours en scène Jonas Taylor (Jason Statham). Quelques années après les événements du premier film, Jonas est devenu un véritable "James Bond écolo" qui s'en va défier les méchants pollueurs des océans. Si la scène d'introduction a de quoi amuser, elle sera malheureusement l'annonce d'un changement malheureux d'antagoniste.
Les Mégalodons au second plan
En effet, si le danger du premier film était clairement le requin, En eaux très troubles met au centre l'humain. On sent bien derrière cela une volonté de discours écologique en pointant l'homme et en voulant défendre la nature. Pourquoi pas. Même si ces défenseurs de la nature n'hésiteront pas à tout cramer en faisant sauter un réservoir d'essence pour sauver leur peau.
Mais le plus embêtant est qu'En eaux très troubles va à l'opposé des attentes et du premier film. Les Mégalodons deviennent ici très secondaires. Pire, l'un d'eux est même présenté comme un allié potentiel - reprise plus qu'évidente de Jurassic World et ses raptors domestiqués. Les vrais méchants sont donc des humains désireux d'exploiter les fonds marins pour se faire un gros paquet de pognon ! Des ennemis prévisibles, stéréotypés et idiots au possible.
Évidemment, ceux-ci sont traités avec une certaine ironie. Mais Ben Wheatley ne pousse pas assez loin l'exagération, ce qui aurait pu rendre amusants les retournements de situation et les clichés. L'ensemble est alors trop sérieux pour ne pas paraître juste ringard. Et cela ressent également dans sa mise en scène.
Car si ce n'est 2-3 trouvailles sympathiques (comme en plaçant la caméra directement dans la gueule d'un requin qui engloutit une dizaine de vacanciers), le réalisateur, dont la filmographie n'a décidément aucun sens, ne paraît jamais bien inspiré. Il met d'ailleurs de côté toute ambition horrifique et volonté de tension façon thriller.
Jason Statham dans l'ombre de Jing Wu
Les Mégalodons se font donc trop souvent oublier durant les deux heures d'En eaux très troubles. Mais à cela s'ajoute également la question du héros. Jason Statham est à nouveau accompagné de plusieurs personnages secondaires, mais parmi eux Jing Wu a un statut différent, au même niveau que l'acteur britannique.
Dans le premier film, c'est Li Bingbing qui sortait du lot en faisant office de complément de Statham. Jing Wu, qui interprète justement le frère du personnage de Li Bingbing, centralise bien plus l'attention, à la limite de transformer En eaux très troubles en buddy movie. Un échange entre les deux comédiens est d'ailleurs révélateur de cela, lorsque ils se retrouvent au fin fond de l'océan avec l'intention de se sauver mutuellement. Et il n'est pas anodin que le synopsis officiel mette clairement en avant Jason Statham et Jing Wu.
Cela s'explique du fait qu'En eaux très troubles est une co-production chinoise. C'est alors compréhensible qu'il y ait la volonté de mettre davantage en avant une vedette comme Jim Wu pour attirer le public chinois. Mais, en conséquence, cela donne une suite dénaturée et privée de tout ce qui faisait l'intérêt d'En eaux troubles.
En eaux très troubles de Ben Wheatley, en salles le 2 août 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes annonces.