CRITIQUE / AVIS FILM - "Et l'amour dans tout ça ?" est une comédie romantique qui s'intéresse aux mariages arrangés et aux relations interculturelles. Des sujets que le réalisateur Shekhar Kapur parvient à traiter avec justesse, émotion et une pointe d'humour irrévérencieux.
Et l'amour dans tout ça : deux voisins trop parfaits
Cinéaste ayant débuté sa carrière en Inde (Masoom, La Reine des bandits) avant de la poursuivre en Grande-Bretagne avec le diptyque sur la reine Elizabeth porté par Cate Blanchett, Shekhar Kapur signe sa première comédie romantique avec Et l'amour dans tout ça ?. Un long-métrage qui s'intéresse aux relations interculturelles, à l'instar de Mariage à la grecque et Mauvaise foi avant lui, mais pas seulement.
Au centre de cette romance, il y a Zoe (Lily James) et Kazim (Shazad Latif), voisins et amis d'enfance installés à Londres. La première est une réalisatrice qui cherche le sujet de son prochain documentaire. Le second est un chirurgien à la recherche de la femme avec laquelle il passera le restant de ses jours. Lorsque Kazim lui apprend qu'il a opté pour un mariage arrangé, suivant l'exemple de ses parents, Zoe décide d'y consacrer son nouveau film.
Après avoir recueilli son témoignage ainsi que celui de ses proches, et suivi tout le processus, Zoe accompagne Kazim et sa famille au Pakistan pour assister à la cérémonie. Durant ce voyage, elle s'aperçoit qu'elle pourrait ressentir plus que de l'amitié pour le futur marié.
Les obligations sentimentales
Le défi que relève Shekhar Kapur avec Et l'amour dans tout ça ? est de traiter des sujets éminemment complexes sans porter de jugement dessus, même s'il finit par trancher, respectant les codes d'un genre balisé et ultra conservateur. La première partie du film met l'héroïne face à une situation et des choix qu'elle ne connaît et ne comprend pas, ceux du mariage arrangé. Alors que Zoe ne cesse de rappeler à Kazim qu'il prend un énorme risque, ce dernier insiste sur les avantages de la tradition et sur la possibilité d'apprendre à aimer quelqu'un sans vraiment le connaître.
Deux points de vues qui offrent des dialogues et confrontations intéressantes, et dont le réalisateur pointe progressivement les limites, en partie grâce à la présence de personnages secondaires savoureux, aussi attachants qu'agaçants. D'un côté, Zoe se fait constamment critiquer sur son célibat par Cath (Emma Thompson, comme à son habitude formidable), une mère un brin toxique qui vit elle-même dans un schéma cloisonné et pratique à outrance l'appropriation culturelle en côtoyant la famille de Kazim. De l'autre, Aisha (Shabana Azmi, excellente), mère du jeune homme qui refuse de s'ouvrir et qui a renié sa fille parce qu'elle n'a pas suivi son modèle (ce qui offre d'ailleurs l'arc narratif le plus touchant du récit).
Au sein de ces foyers où la tristesse est constamment ignorée et où la communication a ses limites, Zoe et Kazim sont perdus et surtout seuls, coincés dans les obligations sentimentales qu'on leur a toujours imposées. Viennent ensuite la traditionnelle remise en question et le rejet (partiel) des coutumes, qui entraînent les scènes les plus attendues, mais qui bénéficient de l'alchimie entre Lily James et Shazad Latif.
Les limites de la décomplexion
Avant le grand final où la réponse au titre est enfin trouvée, Shekhar Kapur propose par ailleurs plusieurs séquences réjouissantes, à commencer par un numéro de danse au Pakistan où Emma Thompson s'en donne à cœur joie. À chacune de ses apparitions, l'actrice vole la vedette à ses partenaires, dans un rôle rappelant celui qu'elle tenait dans Last Christmas, les verres de vin et la fausse nonchalance en plus.
Les spectateurs devraient également retenir l'interrogatoire mené par un conseiller matrimonial survolté incarné par Asim Chaudhry, comique encore trop méconnu en France et cocréateur des faux documentaires People Just Do Nothing. Son apparition témoigne de l'envie de Shekhar Kapur de proposer un humour irrévérencieux, sans pour autant lâcher véritablement la bride. Et l'amour dans tout ça ? demeure avant tout une comédie romantique accessible à tous où la décomplexion a ses limites, notamment lorsqu'il s'agit d'évoquer l'homosexualité, et où l'envie de ne froisser personne l'emporte toujours sur le reste.
Le réalisateur semble plus à l'aise quand il est dans un registre plus sérieux, comme c'est le cas dans la conclusion particulièrement touchante où les personnages se retrouvent mis face à leurs contradictions, ce qui provoque de très beaux moments d'émotion.
Et l'amour dans tout ça ? de Shekhar Kapur, en salles le 8 mars 2023. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.