CRITIQUE FILM - Le film de David et Raphaël Vital-Durand, "Et mon cœur transparent", sur les écrans à partir du 16 mai, est un univers artistique qui fait tout son charme.
Et mon cœur transparent présente l’avantage d’être peu banal. Il possède son vrai style et ose mélanger des genres opposés : le film policier et le conte. Ce long-métrage se révèle être une œuvre singulière qui donne des choses que le spectateur n’a pas souvent. Le synopsis du film se résume dans une réplique du personnage principal : « Je m’appelle Lancelot Rubinstein, ma femme est morte ce jour-là. Elle s’appelait Irina. Le plus étrange dans cette histoire, c’est de découvrir la personne avec laquelle on vit une fois qu’elle est morte. »
Ainsi, Lancelot (Julien Boisselier) apprend un matin la mort de sa compagne dans un accident de voiture. Alors qu’il se remémore sa rencontre avec elle et son improbable relation, il découvre tout un tas d’éléments qui lui font découvrir le vrai visage de la femme qu’il aimait. Dès lors la cause de l’accident n’est plus aussi évidente.
Un film au style expressionniste
Ainsi, l’esthétisme du film est sa grande force, elle n’est pas aussi banale et s’avère très rafraîchissante. David et Raphaël Vital-Durand sont deux frères qui viennent du milieu de la publicité et du clip. Dans cet univers, l’image est très stylisée et l’ambiance souvent surréaliste. Le duo de réalisateur amène dans leur long-métrage cette esthétique et ce style expressionniste. Celui-ci est d’autant plus intéressant qu’il est très lumineux avec la présence de couleurs vives et donne au film une ambiance particulière et très appréciable. Bien que le film se déroule essentiellement le jour, le spectateur a une impression anormal de nuit avec tout le côté sombre qui va avec. Cette étrangeté est voulue par les réalisateurs et est une réussite. Ainsi, l’audience se demande s’il se trouve dans la tête de Lancelot, dans un état d’insomnie ou s’il est vraiment dans la réalité. Le travail sur les couleurs, la lumière et les décors est vraiment précis, et force est de constater, assez jouissif pour le spectateur.
Un jeu d’acteur stylisé qui accentue l’ambiance du film
Tout comme l’image et le son, les acteurs apportent du style au film. Mais avant même leur jeu, c’est aussi le choix artistique qui est une réussite. À commencer par le rôle principal interprété par Julien Boisselier. En effet, cet acteur est tout sauf neutre, il possède un physique mi-intello mi-homme timide et une voix unique. Cette voix particulière incarne presque à elle seule le personnage de Lancelot. Cet homme un peu paumé et hésitant donne toujours l’impression qu’il est un peu bloqué dans sa coquille. Cela fait très plaisir de le voir occuper la tête d’affiche et il y réussit pleinement.
Le reste du casting tout aussi réussi
Sara Giraudeau, qui joue le rôle de Marie Marie, une assureuse qui n’est pas au courant de grand-chose, apporte aussi une étrangeté différente à cette femme. Tout comme Julien Boisselier, elle possède une voix singulière, une parole hésitante. Son personnage aux antipodes de l’assureur sûr de lui est tout simplement jouissif. Serge Riaboukine est dans la même logique, c’est une voix et une gueule. Son personnage, Paco, n’a jamais besoin d’en dire trop. Et son physique d’ours sauvage, prêt à vous en coller une si vous l’emmerder trop est juste parfait en face de Julien Boisselier. Caterina Murino (Irina), enfin, n’est pas non plus une beauté plate, son visage renvoyant immédiatement de la personnalité. Tous ces acteurs se révèlent donc parfaits pour leur rôle et apportent chacun du style dans leur jeu, ce qui est très agréable.
Un fond moins fort qu’espérer
Et mon cœur transparent possède une vraie morale portée par la chute. Bien que le film soit une réussite, les acteurs très bons et une esthétique très belle, cette œuvre reste loin des classiques du genre expressionniste - on n’est pas dans M le maudit. Ainsi, la fin du film donne un peu plus l’impression d’un petit pétard qu’une vraie apothéose. La surprise est moins forte que le reste du métrage, et le spectateur peut en sortir en se disant mitigé.
La morale portée par le dénouement ne s’avère pas vraiment le scoop de l’année, bien qu’il soit tout à fait cohérent avec l’ensemble du film. Et au final, Et mon cœur transparent laisse un petit goût de frustration, car il n’explore pas en profondeur l’âme humaine et son style dissimule un peu cette carence. Par conséquence, Et mon cœur transparent est un film très agréable. Il ose par son style, ce qui est rafraîchissant. Il est porté par des acteurs parfaitement choisis, et le spectateur ne s’ennuie pas, pouvant voir une vraie œuvre singulière, avec une signature. Un bon film, mais pas un grand film.
Et mon cœur transparent de David et Raphaël Vital-Durand, en salle le 16 mai 2018. Ci-dessus la bande annonce