CRITIQUE FILM - « Exfiltrés », inspiré d’une incroyable histoire vraie, donne à voir la débrouillardise d’un groupe de jeunes gens pour exfiltrer la femme de l’un d’entre eux de la gueule du loup dans laquelle elle s’est jetée. Avec Charles Berling, Swann Arlaud et Finnegan Oldfield.
"Exfiltrer : organiser clandestinement la fuite de quelqu’un qui se trouve en milieu hostile". Le milieu hostile en question, c’est Raqqa, en Syrie. La personne, c’est Faustine (Jisca Kalvanda) et son jeune fils Noah, que de jeunes citoyens français et syriens vont aider à revenir en France. On est en 2015 et on est prévenu dès le générique, que l’histoire est vraie. Car cette aventure abracadabrantesque racontée dans Exfiltrés apparaît peu crédible, aussi bien dans les hasards improbables des rencontres entre les personnages que de l’exfiltration même. Et pourtant.
On apprend donc que Faustine, originaire du Zaïre et assistante sociale dans des quartiers défavorisés, s’est convertie à l’Islam quelques mois auparavant. Comme plusieurs femmes avant elles, elle a naïvement cru en la promesse par Daech de faire de la Syrie un monde nouveau et une revanche des opprimés. Mais la différence avec ces autres femmes, telles qu’on a pu les voir partir dans Le Ciel attendra, c’est que Faustine n’est pas allée chercher un mari sur place, car elle est déjà mariée à Sylvain (Swann Arlaud), infirmier. Elle a fait confiance à des petites frappes qui l’ont précédée sur place. Elle a évidemment menti sur les raisons de son départ, prétextant des vacances, et son mari, comprenant qu’il s’est fait berner, va porter plainte pour enlèvement par ascendant.
Très vite - un peu trop ? - Faustine se rend compte de son erreur et fait savoir à son mari qu’elle souhaite revenir. On n'est pas près d'oublier le regard et le comportement terrorisés de la jeune femme. C’est par l’intermédiaire du patron chirurgien de Sylvain, interprété par Charles Berling, que les deux autres personnages, grâce auxquels Faustine sera sauvée, font leur entrée. Son fils Gabriel (Finnegan Oldfield), qui travaille dans une ONG en Turquie et semble passionné, voire très investi, par tout ce qui se passe dans cette zone géographique. Et Adnan (Kassem Al Khoja) un rebelle syrien qui a réussi à s’échapper en France grâce à Gabriel.
On peut revenir de l'enfer, mais ça coûte cher
Exfiltrés se déroule donc sur quelques jours, depuis le départ de France de Faustine avec son fils, leur passage en Turquie pour rejoindre Raqqa, jusqu’à leur retour en France. On suit les personnages quasiment en temps réel et en parallèle sur tous les territoires, ce qui confère au film un aspect thriller géopolitique certes intéressant, mais de fait assez complexe si on n’est pas un tant soit peu initié aux enjeux et aux nombreuses parties prenantes. Et c’est un peu dommage, de la part du réalisateur Emmanuel Hamon - qui a pourtant un parcours de documentariste - ou de celle du scénariste Benjamin Dupas – qui a notamment travaillé sur la série Kaboul Kitchen. Le spectateur se retrouve alors embarqué dans le même tourbillon flou que celui dans lequel les personnages, pris dans l’urgence des révélations, des coïncidences et des décisions, se retrouvent. On avoue avoir parfois perdu le fil de l’intrigue.
Exfiltrés sort opportunément dans l’actualité brûlante des "Revenants", comme on nomme ces djihadistes repentis, mais surtout leurs femmes et leurs enfants, qui veulent revenir en France. Ces enfants, et c’est très bien montré dans le film, dont on sait pertinemment qu’ils sont instrumentalisés et qu’ils auront bien du mal à se remettre des horreurs qu’ils ont vues et vécues. Mais il manque un peu d'esprit critique à propos des raisons du départ de Faustine, présentée comme naïve alors que l'on sait que les femmes sont souvent les plus déterminées.
Les services de l’État ne sortent pas grandis non plus du film, tant leurs réponses et prises de risque sont navrantes face au désarroi des familles. Et la bonne idée est de faire interpréter le rôle d’un des patrons des services de Renseignement par Xavier Legrand, dont on oublie qu’il est aussi acteur et pas seulement récipiendaire du César du meilleur film avec Jusqu’à la garde. Malgré une mise en scène parfois un peu lourde, mais grâce à un casting aux petits oignons et un rythme d'enfer, Exfiltrés relève pourtant le défi de la mise en exergue d’un sujet ô combien délicat et loin d’être résolu.
Exfiltrés de Emmanuel Hamon, en salle le 6 mars 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.