CRITIQUE FILM / AVIS - "Face à la Nuit" relate trois nuits extraordinaires dans la vie d'un homme ordinaire. Un long métrage découpé en trois chapitres passionnants pour illustrer l'existence de Zhang à travers trois époques.
Réalisé par Wi-ding Ho, cette co-production chinoise, taïwanaise et française a remporté le Grand Prix du Festival international du Film Policier de Beaune 2019. Un polar étonnant, une petite pépite inattendue portée par Jack Kao, Lee Hong-Chi et la française Louise Grinberg.
Trois chapitres pour décrire une vie
La grande réussite de Face à la Nuit réside dans son montage à rebours. Wi-ding Ho a l'intelligence de prendre un prisme inattendu pour raconter la vie de son protagoniste. Il utilise la magie du montage pour donner une véritable identité à son métrage. Plutôt que d'établir sa jeunesse, puis la maturité de son personnage avec redondance d'une manière académique en reprenant plusieurs instants phares d'une existence, Wi-ding Ho préfère se concentrer sur trois nuits, pas une de plus. Trois nuits pour illustrer toute une vie, trois nuits pour capter l'essence de son protagoniste, trois nuits pour exposer une vie entière. Pari intéressant et parfaitement exécuté grâce à un scénario très écrit, qui choisit des éléments précis à raconter, des événements qui changent la vie d'un homme, et qui se répondent d'une histoire à l'autre. Ces trois nuits donnent toute l'épaisseur et la profondeur nécessaire pour faire de Face à la Nuit un grand film.
Trois nuits qui permettent également de traverser les époques. Le premier intitulé « Désillusion » se passe en 2049, ce qui permet à Wi-ding Ho d'imaginer notre futur avec énormément de réalisme. Dans un univers presque rétro-futuriste qui se réfère parfois à Black Mirror le cinéaste dépeint un avenir pessimiste et sombre, dominé par une surveillance omniprésente où la liberté est bafouée au profit de la sécurité. Un monde futuriste en proie à la discrimination où la microtechnologie fait sa loi. Wi-ding Ho met en scène les derniers instants de son personnage, animé depuis des décennies par une vieille rancune, qu'il finit par laisser s'exprimer. La seconde nuit appelée « Désir » se concentre sur les instants de bonheur de son personnage, ceux qui l'ont fait évoluer, le goût de l'amour et de l’insouciance. Un univers bien connu qui prend place en 2016. Enfin, de retour en 2000, le cinéaste raconte avec « Innocence » le premier traumatisme de son personnage, il partage ses premiers souvenirs, et finalement la manière dont il s'est construit. Ce schéma original permet au cinéaste d'offrir trois environnements différents, trois ambiances, trois époques, qui, réunis, définissent la vie d'un homme.
Une maîtrise de cinéma
En plus de ce montage extrêmement intelligent, Wi-ding Ho peut compter sur une photographie superbe qui met en exergue un futur réaliste et froid. Mais également une direction artistique solide permettant de mettre en scène trois générations d'acteurs dans le même rôle, illustrant le temps qui passe, et la vie qui file entre les doigts de son protagoniste. Des acteurs qui donnent une véritable crédibilité à cette histoire à tiroir montée à l'envers. Quant au scénario, les détails sont de mises et créent une véritable continuité entre les trois chapitres, indispensables pour la réussite de l'histoire. Bref Face à la Nuit est une leçon de cinéma où tout fonctionne à la perfection, où la mise en scène et le montage servent une histoire superbe de simplicité complexe. Une illustration parfaite de la vie d'un homme, entre ses amours et ses regrets, mettant en lumière tout l'enchevêtrement de la condition d'être humain et surtout d'une société castratrice asphyxiante.
Enfin le montage à l'envers est une idée parfaitement exploitée, qui garde un suspense étonnement absorbant. Wi-ding Ho se pose la bonne question, et sais où regarder la réponse. Parce que le dénouement ne se trouve pas dans finalité du chemin qui est toujours la mort, mais il se trouve finalement dans la route parcourue pour atteindre la destination funeste. Une volonté qui s'illustre par un tout dernier plan, instant de naissance, de vie, qui s’apparente bien plus à une conclusion, que le fatidique trépas. C'est grâce à cette vision que Wi-ding Ho choisit ce montage à contresens, qui distille en définitive une émotion renversante dans ses derniers instants, dans une séquence finale qui vient répondre, peut-être, au sens de la vie.
Face à la Nuit de Wi-ding Ho en salles dès le 10 juillet. Ci dessus la bande annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes annonces.